Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/335

Cette page a été validée par deux contributeurs.
331
QUESTIONS EXTÉRIEURES.

Louis XIV a constitué proprement le territoire et le corps de la France ; Napoléon a répandu partout son génie : la France doit ajouter encore quelque chose à l’œuvre du grand roi, et poursuivre celle de l’empereur.

Dans un livre consciencieux et distingué qui a paru il y a quelques mois sous le titre d’Études politiques et historiques, par l’auteur de la Revue politique de l’Europe en 1825 (M. d’Herbigny), nous lisons le passage suivant : « Il est inutile de révéler sa force à la France ; elle en a la connaissance et le sentiment, puisqu’elle menace tous les jours d’en accabler l’Europe. Il nous suffira donc de la prendre elle-même à témoin qu’elle se juge assez grande et assez puissante pour braver elle seule tous les peuples du continent, et qu’ainsi sa part doit paraître assez large dans la répartition des forces européennes. Il est important de démontrer que rien ne manque à ses grandeurs ; qu’elle peut attendre la guerre sans crainte, et demeurer en repos sans danger. Mais la France est agitée de l’esprit de Rome ; elle se plaît dans la force plus que dans la justice, et il est difficile de lui faire supporter la paix. Non, la France ne puise pas ses inspirations dans les injustices orgueilleuses de l’ancien Capitole ; elle n’a pour les autres peuples ni mépris, ni colère, mais estime et sympathie ; si son génie la pousse à faire dans le monde moral des expériences et des progrès dont peuvent profiter les autres nations, elle ne saurait pousser l’héroïsme jusqu’à renoncer, pour prix de son labeur, à certains avantages positifs et raisonnables. Loin de ressembler à Rome, elle ne peut conquérir quelque chose qu’après avoir bien mérité de la liberté du monde ; et son propre intérêt lui défend l’égoïsme. »

Puisque nous avons cité l’ouvrage de M. d’Herbigny, nous ne saurions nous refuser à l’apprécier en passant. L’auteur appartient aux anciennes traditions politiques et à l’école de Montesquieu ; il écrit sous l’empire moral du traité de Westphalie et de la paix d’Utrecht ; pour lui nos cinquante dernières années sont une anomalie, une violation coupable des seules lois politiques qu’il connaisse ; mais dans cette sphère un peu ancienne, l’auteur montre des qualités qui ne sont pas communes, des faits mis en saillie avec art, des observations justes et nettes, des traits brillans. L’auteur a beaucoup étudié l’antiquité ; il la cite toujours