Étrusques montrèrent que la terre de Peruse et du Latiun n’était pas épuisée. De nos jours, la Grèce fait le même effort que l’antique Italie ; et la postérité saura combien de temps demandera sa résurrection politique. Cette reprise de l’histoire sur un ancien théâtre est nécessaire à la conscience complète que le monde doit avoir de lui-même. Des peuples jeunes trouveront des destinées illustres ; des nations déjà connues recommenceront ou continueront à vivre, et c’est ainsi que s’établira la personnalité solidaire et continue du genre humain.
La France est merveilleusement douée pour obéir à cette loi générale, et en éprouver les bienfaits : son inépuisable vie peut résister à tous les échecs et revêtir toutes les formes ; elle a de l’infini, de l’imprévu, des caprices, des faiblesses, mais aussi des excès et des soudainetés de grandeur ; elle peut tantôt tromper ; tantôt surpasser l’attente du monde ; la foudre glisse sur son front sans l’abattre ; la torpeur peut enchaîner ses mouvemens, mais jamais lui glacer le cœur et la vie. On la réputait languissante ; tout à coup on la trouve enflammée : dix-huit mois après la terreur elle était invincible ; trois ans après l’invasion elle était opulente et heureuse. Insensés qui croiraient avoir raison de cette France, et l’épuiser jamais dans ses veines et son génie ; elle n’est pas parfaite, mais elle est vivace, et il vaut mieux pour tout le monde s’arranger avec elle, que de s’user à la contrarier et à la combattre.
La France a pour limites deux mers, une chaîne de montagnes et un grand fleuve. L’Atlantique et la Méditerranée baignent ses côtes et la mettent en communication avec l’Amérique, l’Afrique et l’Asie ; les Pyrénées la séparent de la Péninsule hispanique qu’elle ne saurait songer à conquérir, mais seulement à guider dans les voies de la civilisation nouvelle. Le Rhin seul est à la fois une limite naturelle et toujours mise en question par les rivalités germanique et gauloise ; mais, sur ce point, il n’y a pas urgence de controverse et de lutte, et même il y a ceci de salutaire qu’un agrandissement pour la France sur la rive gauche du Rhin ne pourrait s’accomplir qu’avec le consentement et le bien-être des peuples et des villes qui se réuniraient à nous : la solidarité des principes et des idées serait aussi nécessaire à la conquête que les armes mêmes.