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L’ESPAGNE AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE.

soient, font les ordonnances relatives au service militaire et maritime, vérifient la comptabilité, règlent tout ce qui concerne l’administration des domaines de l’état, approuvent les mesures générales pour l’hygiène et la salubrité du royaume (131), etc., etc.

Toutes ces attributions, où se confondent celles d’un conseil de santé et d’une cour des comptes, doivent être exercées dans trois mois, ni plus ni moins : c’est là l’unique frein qu’on ait su trouver contre l’arbitraire d’une assemblée souveraine ; encore est-il rendu inutile par la présence d’une députation permanente, dont la seule mission déterminée est de veiller à l’observation de la constitution et des lois, pour en rendre compte à la session suivante (160) : vague et malencontreuse création, empruntée à la vieille législation aragonaise, de même que l’exclusion de siéger aux cortès pour les employés de la maison du roi, et la présentation de candidats sur triples listes pour certaines fonctions publiques ; singulière fatalité qui fit sortir une législation impossible et des théories modernes et des plus confus souvenirs de l’histoire !

On voit qu’entre elles et le roi les cortès se firent la part du lion, en vertu de ce principe qui n’est jamais plus vrai qu’en matière constituante : les absens ont tort. On lui défère, en thèse générale, la plénitude du pouvoir exécutif (170) ; mais on a déjà vu qu’il ne passe les traités qu’en en rendant compte aux cortès et avec leur préalable consentement ; de même, il ne choisit les membres du conseil d’état que sur une triple liste dressée par les cortès (234) ; il ne nomme les magistrats des tribunaux, les évêques et autres dignitaires ecclésiastiques que sur la présentation du conseil d’état. Il a le droit de grâce, mais « sous condition que son indulgence ne soit pas contraire aux lois ; » enfin, soumis dans les actes de sa vie civile à des restrictions contre lesquelles protesterait le dernier de ses sujets, le roi ne peut sortir du royaume ni se marier sans le consentement des cortès, la violation de ces dispositions équivalant de sa part à l’abdication de la couronne (172).

Tel était, en résumé, le régime auquel on faisait passer subitement l’Espagne de Philippe II, d’Alberoni et du prince de la Paix, tombant d’un despotisme dans un autre, et traversant la liberté. C’était là l’établissement que la constitution qualifiait du nom de monarchie tempérée héréditaire. L’hérédité, du reste, y demeurait à peu près aussi illusoire que les attributions royales, l’article 181 imposant aux cortès l’obligation « d’exclure de la succession la personne ou les personnes reconnues incapables de gouverner, ou qui auraient mérité par quelque action de perdre la couronne. »

Si un pareil code était sorti d’une lutte violente entre une assemblée populaire et une royauté qui cherche à se défendre ; si ces dispositions