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7 1/2 pour cent du capital ; et pour réaliser cette magnifique expectative, on compte : 1o  sur le revenu de 3,600 arpens, à raison de 30 francs l’arpent ; 2o  sur le produit de 30,000 mûriers, de trois moulins, d’une féculerie, d’une tuilerie, d’un four à chaux, d’une carrière à pierre, de nombreux troupeaux ; 3o  on se propose de cultiver en grand les plantes oléagineuses et la betterave, cette plante maudite comme la nomme le docteur Bowring, mais qui est en France une source de richesse pour le cultivateur.

Certes, ce sont là des promesses de prospectus. Mais quand l’entreprise n’en tiendrait qu’une partie, quand le capital ainsi engagé ne produirait que 4 ou 5 pour cent, ces résultats seraient assez beaux pour encourager l’imitation. Les propriétés foncières, dans leur aménagement actuel, ne rapportent, terme moyen, que 2 1/2 à 3 pour cent. Un mode d’exploitation qui donnerait un revenu d’un tiers en sus, les placerait sur le même rang que la propriété manufacturière qui est moins solide et plus exposée. Tout le monde y gagnerait : les propriétaires pourraient désormais disposer de leurs domaines, sans les disséquer et sans en détruire les proportions ; les capitalistes, en échangeant leurs espèces contre des actions foncières, acquerraient des valeurs réalisables et qui auraient un cours certain sur le marché.

Aujourd’hui les possesseurs de terres qui veulent cultiver eux-mêmes et qui manquent des capitaux nécessaires pour exploiter convenablement les ressources du sol, sont réduits pour trouver des prêteurs à donner hypothèque sur leur propriété. La terre ne leur rapporte que 3 pour cent, et ils paient pour les capitaux empruntés un intérêt de 5, 6, et quelquefois 7 pour cent. Qu’une année mauvaise survienne, que la grêle, la pluie, la sécheresse ou le froid emporte la récolte ; voilà l’emprunteur ruiné, hors d’état de faire honneur à ces engagemens onéreux. Le prêteur, de son côté, n’a pas des chances meilleures : d’abord l’hypothèque qu’il a prise sur les biens du débiteur est souvent illusoire, ceux-ci pouvant se trouver déjà grevés de quelque hypothèque légale[1] qu’on lui a laissé ignorer, et qui a la priorité en cas de remboursement de la créance par voie d’expropriation. Ensuite, et en supposant que l’hypothèque confère au créancier un droit utile,

  1. La femme, par exemple, a une hypothèque légale sur les biens du mari pour sûreté de son apport matrimonial.