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et Clichy, où le terrain a le plus de valeur, sont aussi celles où la propriété a le plus d’étendue. Tandis que, dans les communes de Colombes, de Nanterre et de Chatou, où les parcelles n’ont en moyenne qu’une superficie de 4, 7 et 5 ares, le sol n’est qu’un sable mêlé de cailloux peu susceptible de culture et qui donne un revenu insignifiant. Sans la proximité de la capitale qui multiplie les bâtimens d’habitation, ces terres ne vaudraient pas 1,000 fr. l’hectare ; la compagnie les a payées, en moyenne, 2,700 francs. Quatre ares, à 27 fr. l’are, représentent donc 108 fr. Ne voilà-t-il pas une belle propriété, qui paierait à peine les journées d’un ouvrier pendant un mois !

Les faits que l’on vient de passer en revue ne sont point particuliers aux départemens qui environnent Paris. Toutes les parties du territoire pourraient donner lieu aux mêmes observations. Dans le département du Var, frontière du Piémont, le cens exigé pour les élections municipales descend jusqu’à 15 centimes ; ce qui suppose un revenu de 2 francs et un capital de 60 à 80 fr. Dans le plus grand nombre des communes qui ont moins de cinq cents habitans, la moyenne du cens municipal est[1] de 2 fr. 75 cent. Or, si la moyenne ne représente pas une valeur plus élevée, que sera-ce des cotes inférieures qui comprennent la masse des possesseurs du sol ?

Si l’on veut voir le type du morcellement, la division des propriétés poussée aussi loin que l’esprit peut la concevoir, il ne faut pas sortir de la banlieue de Paris. La commune d’Argenteuil, située sur les bords de la Seine, à trois lieues de la capitale, est la perfection idéale du système. Les plus audacieux niveleurs n’ont jamais imaginé d’hypothèse qui allât aussi loin que cette réalité.

Dans toute l’étendue de la commune, on n’aperçoit pas une seule ferme, et la charrue n’y pénètre point. Les habitans sont groupés dans la ville d’où ils sortent le matin, la bêche sur l’épaule, pour cultiver un morceau de terre planté en vignes, en asperges ou en pommes de terre. Les champs, vus à distance, figurent une robe à mille raies. Chaque pièce de terre est comme un ruban étroit, dont l’ombre d’un figuier couvre souvent toute la largeur. Çà et

  1. Compte-rendu au roi sur les élections municipales par le ministre de l’intérieur. 1834.