priétaire voisin le marchande dans cet état, il ne l’obtiendra plus à moins de payer la terre deux ou trois fois ce qu’elle a été vendue. Si vous ne possédez pas, vous pouvez acquérir ; dès que vous avez quelques toises au soleil, et que vous voulez vous étendre, les obstacles se multiplient de tous côtés. Dans l’état actuel de la France, la richesse individuelle, même avec le secours de la persévérance et du temps, n’est pas moins impuissante que la loi pour élargir les bases de la propriété.
Il y a plus : les grands domaines, qui avaient échappé à cette dissection de la propriété, sont morcelés à leur tour par la culture. On distribue la terre par petits lots pour l’affermer aussi bien que pour la vendre ; et le possesseur en retire le même avantage dans les deux cas. Les paysans, quand ils ne peuvent pas devenir propriétaires, veulent du moins posséder en qualité de fermiers ; là où un fermier, qui a des capitaux et qui présente de véritables garanties, offrira 30 francs de rente par arpent, les petits cultivateurs en donnent 40 sans hésiter. Le maître du sol, de son côté, ne considère pas dans quel état la terre lui sera rendue, améliorée ou épuisée, ni si les fermiers prennent des engagemens qu’ils puissent tenir ; il ne voit que l’augmentation du fermage et la valeur factice qu’en recevra la propriété. Les notaires favorisent ces arrangemens, parce qu’au lieu d’un bail, ils en font vingt, et que le revenu de leur charge s’accroît d’autant. Ainsi les grandes fermes sont aujourd’hui encore plus clairsemées sur le territoire que les grands domaines ; la Beauce elle-même, cette vaste plaine de blé aux portes de la capitale, où la charrue du fermier pouvait sillonner cent cinquante à deux cents arpens sans rencontrer les limites de l’exploitation, qui figurait comme un champ d’expériences, où toute découverte de la science, à peine connue, était mise aussitôt à l’essai, se hérisse maintenant de cultivateurs en détail, race ignorante et prolifique comme les paysans de l’Irlande. D’une ferme, on en fait vingt, où la production n’aura pour excitant que la misère et ne la soulagera certainement point.
Nous avons énuméré les causes sous l’influence desquelles la propriété se divise et se subdivise en France depuis quarante ans. À quel degré est arrivé aujourd’hui le morcellement, voilà ce qu’il importe de constater.
Il résulte d’un document produit par M. de Villèle, à la chambre