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LE MAROC.

ment de tous les mauvais pas. Une fois on me mit entre les mains une nouvelle mariée dont la maladie était fort simple, et dont la cure se sera opérée tout naturellement quelques mois plus tard. Le cas n’était pas difficile, un autre le fut davantage : comme je passais devant une maison dont la porte était entr’ouverte, une jeune mère de seize à dix-sept ans, qui nourrissait, s’élança vers moi le sein en désordre, l’œil en pleurs, portant dans ses bras son nourrisson à demi mort ; le malheureux enfant avait le croup et un spasme l’étouffait. Né dans la ville d’Europe où le croup est le plus fréquent et presque endémique, je ne fus pas tout-à-fait pris au dépourvu. Quelques grains de camphre que je portais toujours sur moi, soulagèrent le pauvre malade et lui rendirent la respiration.

Tel fut l’emploi de cette première journée ; la nuit nous surprit cherchant ainsi des aventures de maison en maison. Ces maisons se ressemblent toutes, comme les familles qu’elles recèlent ; les plus hautes et celles-là sont rares, n’ont que deux étages, et toutes sont terminées par des terrasses qui communiquent de façon qu’on peut passer par là d’une habitation dans l’autre. Les appartemens se composent de quelques chambres longues et étroites, tapissées de nattes, et qui ne reçoivent de jour que par la porte. Une galerie intérieure fait le tour de la maison. La cour, ordinairement carrée, est pavée ainsi que les appartemens, de briques de faïence peinte (asulejos) très fraîches en été ; cette cour est le gynécée ; c’est là que nous trouvions les femmes réunies occupées à deviser et à broder, deux soins dont elles s’acquittent avec une dextérité merveilleuse.

Le matin, nous avions pris le thé chez le bacha Achache ; le soir, nous le prîmes chez Salomon Lévy, le premier négociant du peuple d’Israël. C’est un homme qui se pique de quelque teinture de civilisation, et il tenait à honneur de nous traiter. Il a un fils qu’il habille et élève à l’européenne ; il le destine à voyager ; et, comme il est riche, il se propose de l’envoyer à Paris pour achever son éducation. Je plains le voyageur s’il doit rentrer ensuite dans ses foyers. Les femmes, je ne sais pourquoi, n’étaient pas de la fête, et leur absence ne contribuait pas à l’égayer. Quoique le jeune homme fût bien et le père pas trop mal pour un Juif, j’étais