Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 8.djvu/266

Cette page a été validée par deux contributeurs.
262
REVUE DES DEUX MONDES.

autres naturalisés dans le calendrier chrétien, elles s’appellent Simka, dont la traduction européenne est Létitia, Estrella, Étoile, Masaltob, Bonne-Fortune.

Les Juifs ne sont pas jaloux, la jalousie est un sentiment trop noble pour eux ; ils surveillent peu leurs femmes et leur laissent une liberté qui est un sujet de scandale pour les musulmans, et d’envie sans doute pour plus d’une musulmane. On veille davantage sur les filles à marier, et l’on peut dire qu’elles sont en captivité ; la maison paternelle est pour elles ce que le couvent était pour nos mères. Elles n’en sortent que pour aller à la synagogue. Une fille qu’on rencontrerait dans la rue, ou qui se montrerait le jour sur la terrasse, ne trouverait pas de mari. Une Juive est femme à treize ans ; on la marie d’ordinaire à quatorze ; à quinze, elle est mère et nourrice ; à vingt ans, elle est flétrie ; elle est matrone à vingt-cinq ; le mariage paraît pour elles une chute ; à peine mariées, elles s’assimilent à leurs maris, c’est-à-dire qu’elles enlaidissent et se dégradent. Les métamorphoses que l’âge fait subir à ces visages si ravissans dans leur fraîcheur, sont effroyables ; rien n’est si charmant qu’une jeune Juive, rien n’est plus hideux qu’une vieille. On ne peut se défendre d’un sentiment de répulsion et de dégoût en songeant par quelles mains est cueillie la fleur de cette beauté rapide.

Les jeunes filles ont de la naïveté, de la grace, une certaine indolence qui trahit d’amoureuses rêveries et de secrètes langueurs. Elles seraient en tout autre pays des femmes adorables. Mais ces perles sont enfouies et foulées sous des pieds immondes. Nous passâmes toute notre sainte journée du sabbat à rendre hommage à ces idéales beautés ; nous n’avions pas besoin d’aller bien loin, car notre hôte Bendelacq avait deux filles, l’une de treize ans, l’autre de quinze, qui réalisaient toute la poésie du Cantique des Cantiques, et sous l’image desquelles je me suis toujours représenté depuis la jeune reine Esther et Ruth, la jolie glaneuse. L’aînée était fiancée, et son sale novio était là comme un reptile au milieu des fleurs. Il dissimulait assez mal la haine dont il nous honorait ; mais il se consolait de la cour que nous faisions à sa future par les cadeaux dont chacun de nous se plaisait à la combler. Il était trop bon Juif pour que la cupidité n’étouffât pas en lui ses velléités jalouses. Je ne doute pas qu’il n’eût