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REVUE. — CHRONIQUE.

M. Guizot prêchait l’intervention : ne se rappelle-t-il plus une démarche qu’il fit près de M. Passy pour l’engager à pousser vivement à une coopération directe dans les affaires de la Péninsule ? M. de Rémusat, tous les autres amis de M. Guizot, soutenaient, non pas à la tribune, mais dans les couloirs de la chambre, le même système. Qui donc a pu les faire changer ? La proclamation de la constitution de 1812 ? En vérité, il sied bien à un gouvernement qui sort de l’insurrection et d’un mouvement populaire de se montrer si susceptible envers les démonstrations révolutionnaires. D’ailleurs, n’est-il pas évident que la constitution de 1812 est pour l’Espagne un cri national, et non pas un pacte indestructible ? Il y a puérilité ou mauvaise foi à affecter de la colère contre un événement que la connaissance de l’état moral de la Péninsule devait faire juger inévitable et naturel.

Nous n’avons jamais cessé de demander à notre gouvernement une coopération active dans les affaires d’Espagne, non par un fol engouement de don quichotisme, mais dans l’intérêt le plus vrai et le plus positif de la France. Il importe à la France de pacifier les provinces qui lui sont limitrophes, d’y ramener l’ordre et le commerce ; il lui importe encore que le midi de l’Europe soit soumis au régime constitutionnel ; et le triomphe des institutions représentatives en Espagne est nécessaire au système qu’a dû fonder la quadruple alliance, si la quadruple alliance signifie quelque chose,

Il est vrai que quelques hommes politiques pensent de bonne foi qu’il est plus sage d’abandonner la Péninsule à elle-même ; à leurs yeux, l’Espagne est le Mexique de l’Europe ; elle leur semble destinée à dix ans au moins de troubles et d’agitations sans dénouement et sans issue, et ils estiment imprudent et inutile d’intervenir au milieu de cette anarchie. Nous ne partageons pas cette vue politique ; nous croyons que la difficulté de la situation n’est pas pour la France une raison suffisante d’inaction et d’indifférence. Nous ne saurions abdiquer toute influence morale sur la Péninsule. Si l’empire et la restauration ont commis des fautes ; si Napoléon a voulu faire de l’Espagne une dépendance française, au lieu de la diriger et de la soutenir dans les développemens de sa civilisation ; si Louis XVIII a lancé nos soldats contre la révolution de 1820 et la constitution de 1812, ces contresens n’impliquent pas que la vraie politique vis-à-vis l’Espagne soit dans une complète inertie. Il est évident, pour tous les hommes qui connaissent la Péninsule, qu’une coopération sincère et active, prêtée au gouvernement et à l’armée constitutionnelle, eût anéanti la puissance de don Carlos, et permis à la monarchie d’Isabelle de s’asseoir sur la double base de l’ordre et de la liberté. En vain le gouvernement français prendra la résolution de demeurer étranger