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REVUE DES DEUX MONDES.

xxi.

Connaissais-tu si peu l’ingratitude humaine ?
Quel rêve as-tu donc fait de te tuer pour eux ?
Quelques bouquets de fleurs te rendaient-ils si vaine,
Pour venir nous verser de vrais pleurs sur la scène,
Lorsque tant d’histrions et d’artistes fameux,
Couronnés mille fois, n’en ont pas dans les yeux ?

xxii.

Que ne détournais-tu la tête pour sourire,
Comme on en use ici quand on feint d’être ému ?
Quand le démon venait, que ne le fuyais-tu ?
Quand tu chantais le Saule, au lieu de ce délire,
Que ne t’occupais-tu de bien porter ta lyre ?
La Pasta fait ainsi ; que ne l’imitais-tu ?

xxiii.

Ne savais-tu donc pas, comédienne imprudente,
Que ces cris insensés qui te sortaient du cœur
De ta joue amaigrie augmentaient la pâleur ?
Ne savais-tu donc pas que sur ta tempe ardente
Ta main de jour en jour se posait plus tremblante,
Et que c’est tenter Dieu que d’aimer la douleur ?

xxiv.

Ne sentais-tu donc pas que ta belle jeunesse
De tes yeux fatigués s’écoulait en ruisseaux,
Et de ton noble cœur s’exhalait en sanglots ?
Quand de ceux qui t’aimaient tu voyais la tristesse,
Ne sentais-tu donc pas qu’une fatale ivresse
Berçait ta vie errante à ses derniers rameaux ?

xxv.

Oui, oui, tu le savais, qu’au sortir du théâtre,
Un soir dans ton linceul il faudrait te coucher.