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À LA MALIBRAN.

N’y trouvant pas ce nom qui fut aimé de nous,
Ne sauront pour prier où poser les genoux.

viii.

Ô Ninette ! où sont-ils, belle muse adorée,
Ces accens pleins d’amour, de charme et de terreur,
Qui voltigeaient le soir sur ta lèvre inspirée,
Comme un parfum léger sur l’aubépine en fleur ?
Où vibre maintenant cette voix éplorée,
Cette harpe vivante attachée à ton cœur ?

ix.

N’était-ce pas hier, fille joyeuse et folle,
Que ta verve railleuse animait Corilla,
Et que tu nous lançais avec la Rosina
La roulade amoureuse et l’œillade espagnole ?
Ces pleurs sur tes bras nus, quand tu chantais le Saule,
N’était-ce pas hier, pâle Desdemona ?

x.

N’était-ce pas hier qu’à la fleur de ton âge
Tu traversais l’Europe, une lyre à la main,
Dans la mer, en riant, te jetant à la nage,
Chantant la tarentelle au ciel napolitain,
Cœur d’ange et de lion, libre oiseau de passage,
Espiègle enfant ce soir, sainte artiste demain ?

xi.

N’était-ce pas hier qu’enivrée et bénie
Tu traînais à ton char un peuple transporté,
Et que Londre et Madrid, la France et l’Italie,
Apportaient à tes pieds cet or tant convoité,
Cet or deux fois sacré qui payait ton génie,
Et qu’à tes pieds souvent laissa ta charité ?