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REVUE ÉTRANGÈRE.

est préoccupée, vient de jeter une terrible lueur sur ces questions. C’est la Vie de Jésus, par le docteur Strauss. Ni l’originalité d’un écrivain éloquent, ni l’éclat d’un nom connu ne distinguent cet ouvrage, et pourtant un évènement politique n’eut pas plus sérieusement passionné les esprits. Ce livre est le résultat naturel et nécessaire de la méthode allemande. C’est par là qu’il doit éveiller, au plus haut degré, l’attention des étrangers. La méthode que Wolf et Niebuhr ont appliquée à Homère et à Tite-Live, l’auteur l’applique au christianisme ; et, de la même manière qu’Homère et l’histoire romaine se sont évanouis, comme fumée entre les mains des deux premiers, le Christ disparaît à son tour dans le travail du dernier ; opération critique, disent à bon droit les théologiens. Les récits des quatre évangélistes ne sont plus qu’une suite d’allégories, de fables telles que celles d’Ésope et de La Fontaine, des contes et des chants populaires ; en un mot, un mythe. Cette idée n’est pas entièrement nouvelle ; mais l’autorité que le symbolisme allemand vient de lui donner, l’éclat et le retentissement qui la suivent, tout cela est nouveau. Le Christ, aussi, n’est plus qu’un songe, une épopée démocratique et mystique qui va rejoindre l’épopée grecque et l’épopée romaine. Lisez attentivement ces résultats, vous croirez, avec la différence d’une forme très savante, lire les questions sur les miracles par Voltaire. Ce qu’il y a de certain, c’est que si vous vous soumettez sans critique aux prémisses du symbolisme allemand, vous êtes poussé, de proche en proche, à ces mêmes conséquences. Admettez que l’histoire romaine n’est qu’une suite de paraboles populaires, la même chose peut et doit se dire exactement des premiers temps du christianisme. Les évangélistes deviennent des rhapsodes, l’Évangile un poème en prose, et le catholicisme un rêve du genre humain, faisant sa halte dans le jardin des Oliviers.

Je sais bien qu’en Allemagne la Christologie a mille moyens de déguiser ces résultats. On détruit d’un trait de plume les cieux ouverts et l’assemblée des martyrs. On y substitue une formule d’école, et voilà l’abîme comblé. Si je considère avec effroi cet avenir privé de la foi des ancêtres ; si mon cœur, abreuvé de mélancolie, se détourne avec désespoir de ces cieux qui restent vides, on me répond que tout va bien, que le prédicat du christianisme n’est pas un individu, mais une idée ; que je puis toujours au pis-