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DE LA PRÉSIDENCE AMÉRICAINE.

travention à cet ordre, le rédacteur fut saisi et conduit au quartier-général ; là il déclara que l’auteur de l’article était M. Louaillier, membre de la législature ; le général s’assura aussitôt de la personne de M. Louaillier. Le juge de district de la Cour des États-Unis, M. Hall, s’étant interposé, fut lui-même appréhendé au corps et conduit hors de la ville. Deux jours après, la paix fut officiellement annoncée, et le juge Hall, prenant sa revanche, condamna le général à 1,000 dollars (5,330 fr.) d’amende.

Les procédés sommaires du général contre la presse, contre la législature et contre les magistrats, révoltèrent peu l’opinion publique. On eût dit que les Américains étaient las des froides vertus de leurs Aristides, et qu’il leur fallait d’autres grands hommes. Le général Jackson semblait venu tout exprès. Il avait d’ailleurs trouvé le secret de captiver la démocratie ; il l’avait prise par son faible, l’orgueil national. Il avait imprimé le talon de sa botte sur le front de tout ce qui n’était pas américain. Il faut voir sa réponse au discours d’un chef indien, le Gros-Guerrier (Big Warrior), qui, après avoir combattu à ses côtés contre les Peaux-Rouges, ses propres frères, faisait un appel à sa générosité, et invoquait les traités signés avec Washington, pour qu’on ne dépouillât pas sa nation de ses terres. D’un ton impérieusement sévère, le général prononça le Non fatal, et les Indiens n’eurent qu’à courber la tête. Il faut lire ses proclamations contre les Anglais ; celles de Napoléon étaient de l’eau de rose en comparaison. Le général Jackson ne combat ni à la façon des gardes de Fontenoy, qui se saluaient avant de faire feu, ni avec la haute courtoisie des chevaliers en champ clos. Sa manière est celle des héros d’Homère ; il accable son ennemi d’invectives, en même temps qu’il lui assène des coups. Mais ce fut surtout sa conduite à l’égard du gouverneur espagnol de la Floride, qui dévoila tout ce qu’il y avait en lui d’audace, de dédain pour l’étranger et d’ambition nationale. Il sentait l’importance de la Floride, qui en effet était nécessaire aux États-Unis pour qu’ils eussent leur frontière naturelle ; il convoitait Pensacola, qui est le seul bon port de tout le golfe du Mexique. Il prétexta donc les secours que les autorités espagnoles avaient fournis aux Indiens. Il trouva un autre grief plus sérieux dans les menées des Anglais, qui faisaient des descentes de ce côté, et qui, en raison des services qu’ils rendaient à Ferdinand VII dans la Pé-