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ples, dans les affaires industrielles, mais qu’ils montrent rarement dans la pratique de la guerre, sur terre du moins. La démocratie d’ailleurs fait grand cas des succès militaires ; elle admire la bravoure qui se rit de la mort ; elle est idolâtre de la résolution et de la hardiesse, et ce sont précisément les qualités du général Jackson. Il plut aussi au grand nombre parce qu’il se présentait avec une physionomie toute neuve. Jusqu’à lui, tous les généraux américains, fidèles aux leçons de Washington et de ses lieutenans, avaient pris à tâche de se montrer soumis à l’autorité civile, de témoigner un profond respect pour la loi et pour les magistrats qui l’interprètent ; ils étaient citoyens d’abord, soldats ensuite. Le général Jackson, lui, pensa que le salut du peuple était la première et la seule loi. Il se proposa, avant tout, de chasser les Anglais à tout prix et annonça la ferme volonté de briser tous les obstacles qui le contrarieraient dans l’exécution de ses plans. Bien différent de ces dociles généraux que le conseil aulique de Vienne mène par la lisière à deux cents lieues de distance, il suivit ses propres inspirations sans s’inquiéter des ordres qui pouvaient lui être transmis de Washington. Déjà, dans sa campagne contre les Indiens, il avait formellement désobéi au ministre de la guerre, pour assurer à ses compagnons d’armes des moyens de retour dans leurs foyers. Dans son commandement de la Nouvelle-Orléans, il enrôla, plus ou moins de gré ou de force, tout ce qu’il put trouver d’habitans en état de porter les armes. Voyant la législature locale peu disposée à suspendre l’habeas corpus, il proclama la loi martiale dans toute sa rigueur, et frappa d’interdit toutes les autorités civiles. Quelques jours après il prit, à l’égard de la législature, le parti que six mois plus tard Wellington et Blücher adoptèrent à l’égard de la Chambre des Représentans à Paris ; il fit fermer la salle des séances et plaça une sentinelle à la porte. Il notifia de plus aux habitans qu’ils eussent à faire bonne contenance, parce que, s’il était obligé de quitter la ville, il y mettrait le feu ; et il l’eût fait. Après que les Anglais eurent évacué la Louisiane, quelques jours avant que la paix fût officiellement proclamée et lorsque l’on savait cependant qu’elle avait été signée, voulant retenir les troupes sous les drapeaux à tout évènement, il défendit, par un ordre du jour, à tous les journaux, de dire rien qui fût directement ou indirectement relatif à l’armée. Le Courrier de la Louisiane ayant publié un article en con-