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DE LA PRÉSIDENCE AMÉRICAINE.

comme dans le seul élément où il se sentit vivre. Il avait des amis nombreux qu’il chérissait et dont il était profondément aimé ; il avait une femme pour laquelle il était plein de l’affection la plus tendre, et dont il ne parle encore que les larmes aux yeux[1] ; mais il était dévoré du besoin d’action. Son ame inquiète et passionnée avait soif d’aventures, et il se précipitait dans ces échauffourées, quand les Indiens étaient tranquilles, parce que c’était la seule carrière où il trouvât les émotions fortes dont il était avide.

Comme Duguesclin aussi, le général Jackson était destiné à sauver son pays avec son épée. En 1812, la guerre éclata entre les États-Unis et l’Angleterre ; la déclaration de guerre est du 18 juin. Ainsi que le président Madison le disait à M. Serrurier, qui représentait noblement à Washington la France de Napoléon, les États-Unis, avec une demi-douzaine de frégates, eurent le courage d’entrer en lice contre la première puissance maritime du monde, pour défendre le principe de la liberté des mers. Cette guerre devait faire la fortune du général Jackson, à qui certes personne ne pensait alors. Le fameux chef indien Técumseh et son frère, le Prophète, que leur haine contre les Américains avait jetés dans les bras de l’Angleterre, avaient organisé du nord au sud une confédération générale des Indiens. Le général Harrison eut à la combattre dans le Nord, dans les quartiers de Técumseh lui-même. Le général Jackson eut à la réduire dans le Sud. Il était alors général de milices ; en cette qualité, il reçut d’abord le commandement d’une expédition contre les Indiens Creeks, qui avaient enlevé par surprise le fort Mimms, dans le territoire[2] de Mississipi, et y avaient massacré hommes, femmes et enfans. Le général Jackson les poursuivit avec une vivacité et une énergie inconnues jusqu’à lui ; il les battit, il les décima, il les extermina toutes les fois qu’ils osèrent s’arrêter pour lui tenir tête ; il obligea les restes de leurs tribus à venir humblement se mettre à sa discrétion et à céder une partie de leurs terres. Il eut à lutter dans

  1. Mme Jackson est morte à l’époque où le général fut élu président.
  2. Avant d’être admis au nombre des membres souverains de l’Union, en attendant qu’ils aient la population requise de 60,000 ames, les états sont qualifiés de territoires et soumis à un régime spécial. On les traite alors comme des mineurs qui ne s’appartiennent pas encore.