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cent cinquante-huit employés, il n’y en a que six qui touchent moins de 1,000 dollars (5,333 fr.) ; il est vrai qu’il n’y en a que deux qui en aient plus de 2,000 (10,666 fr.) ; c’est la doctrine de l’égalité appliquée aux traitemens. Comme les subsistances usuelles, c’est-à-dire le pain, la viande, les salaisons, le café, le thé, le sucre et le chauffage, sont généralement à plus bas prix aux États-Unis qu’en France, et surtout qu’à Paris, un traitement de 1,500 à 2,000 dollars suffit, dans la plupart des cas, à entretenir une famille dans l’abondance et le confort. L’employé qui, à Paris, reçoit 2,500 à 3,000 fr., vit de la plus stricte économie s’il est célibataire, et de privations s’il est marié. À Washington ou à Philadelphie, il aurait 6,000 fr. et vivrait dans une aisance sans éclat à coup sûr, sans aucun luxe extérieur, mais fort ample. Il n’y serait pas, comme il l’est chez nous, au supplice de Tantale ; car l’existence fastueuse des privilégiés des capitales européennes est inconnue aux États-Unis. À Paris, l’employé est éclaboussé par l’équipage d’un homme qui dépense 100,000 fr. ; à Philadelphie, il coudoierait sur le trottoir un opulent capitaliste, qui n’a pas de voiture, parce qu’il n’en saurait que faire, et qui, avec un revenu de 30,000 ou 60,000 dollars, n’en peut dépenser que 8 à 10,000 au plus. Le rapport des existences, qui est à Paris de un à quarante, n’est plus ici que d’un à huit.

Ici, l’existence du négociant le plus riche, celle de l’employé et celle de l’ouvrier ou du fermier, sont parfaitement comparables. C’est pour tous le même cadre, pour tous les mêmes habitudes. Tous ont des maisons semblables et sur le même plan. Il n’y a de différence qu’en ce que l’une aura cinq à six pieds de plus de façade et un étage en sus ; mais la distribution et le système d’ameublement sont identiques. Tous ont des tapis de la cave au grenier ; tous dorment dans un grand lit à colonnes du même modèle, au milieu d’une chambre sans cabinets, sans alcôve, sans double porte et aux parois nues ; seulement les tapis de l’un sont grossiers, ceux de l’autre sont du plus beau tissu, et le lit du riche est en acajou., tandis que celui du mechanic est en noyer. D’ordinaire la table de tous est servie de même ; c’est le même nombre de repas ;

    sans logement ni autres accessoires, et ils sont astreints par l’usage à une certaine représentation.