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LETTRES SUR L’AMÉRIQUE.

La sanction des lois, des réglemens et des plus simples ordonnances de police, est donc ici une sanction d’argent. Si un magistrat a suffisante raison de croire qu’un homme a des projets de désordre ou des idées de violence contre tel ou tel de ses concitoyens, au lieu de le faire arrêter préventivement, il l’oblige à fournir caution en argent de sa bonne conduite. C’est, au fond, l’usage anglais que nous avons dernièrement vu appliquer par le Speaker de la chambre des communes, afin d’empêcher un duel entre lord Althorp et M. Shiel, avec cette différence, cependant, que, pour obliger le ministre whig et le membre irlandais à rester tranquilles (keep the peace), le Speaker les a emprisonnés. En pareil cas, ici, l’on n’emprisonne qu’une somme d’argent. C’est par l’argent qu’on oblige aussi les compagnies à observer les clauses de leurs chartes. C’est par l’argent que les magistrats eux-mêmes sont rappelés à la pratique de leur devoir. Pour remédier à l’excessif morcellement administratif des six états de la Nouvelle-Angleterre, c’est encore l’argent que l’on a fait intervenir. Dans cette partie de l’Union, l’entretien des routes est habituellement à la charge des communes. On conçoit que, dans ce système, il suffirait d’une commune réfractaire pour gêner la circulation dans tout un état. Il a donc été stipulé par la loi que toute commune serait pécuniairement responsable des accidens qui arriveraient aux voyageurs sur son territoire ; il n’est pas rare de lire dans les journaux que telle commune a été condamnée par les tribunaux à 500 ou 1,000 dollars de dommages-intérêts envers un voyageur qui a versé sur une de ses routes ou l’un de ses ponts. Tout récemment la ville de Lowell (Massachusetts) a eu à payer 6,000 dollars (32,000 fr.) à deux voyageurs qui s’étaient ainsi cassé la jambe. Le juge a voulu que les plaignans fussent remboursés non seulement de leurs frais de maladies, mais aussi des bénéfices probables qu’ils eussent réalisés par leur industrie pendant la durée de leur traitement.

Chez nous, aujourd’hui encore, ce n’est point l’argent, c’est l’honneur que l’on met toujours en avant. Si l’on admet que la

    curiosité des causes de la détention de chaque prisonnier. Quand il fut arrivé à la cellule d’un détenu pour dettes, et qu’on lui eut expliqué que cet homme était là jusqu’à l’acquittement de ce qu’il devait, il s’écria : « Mais où sont donc les castors dont il puisse ramasser les fourrures ? »