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REVUE DES DEUX MONDES.

m’aimes-tu pas, ma belle Cécile ? Réponds-moi oui, et que tout soit oublié.

CÉCILE.

Oui, cher, oui, Cécile vous aime, et elle voudrait être plus digne d’être aimée ; mais c’est assez qu’elle le soit pour vous. Mettez vos deux mains dans les miennes. Pourquoi donc m’avez-vous refusé tantôt quand je vous ai prié à dîner ?

VALENTIN.

Je voulais partir : j’avais affaire ce soir.

CÉCILE.

Pas grande affaire, ni bien loin, il me semble ; car vous êtes descendu au bout de l’avenue.

VALENTIN.

Tu m’as vu ! Comment le sais-tu ?

CÉCILE.

Oh ! je guettais. Pourquoi m’avez-vous dit que vous ne dansiez pas la mazourke ? je vous l’ai vu danser l’autre hiver.

VALENTIN.

Où donc ? Je ne m’en souviens pas.

CÉCILE.

Chez madame de Gesvres, au bal déguisé. Comment ne vous en souvenez-vous pas ? Vous me disiez dans votre lettre d’hier que vous m’aviez vue cet hiver ; c’était là.

VALENTIN.

Tu as raison ; je m’en souviens. Regarde comme cette nuit est pure ! Comme ce vent soulève sur tes épaules cette gaze avare qui les entoure ! Prête l’oreille ; c’est la voix de la nuit ; c’est le chant de l’oiseau qui invite au bonheur. Derrière cette roche élevée, nul regard ne peut nous découvrir. Tout dort, excepté ce qui s’aime. Laisse ma main écarter ce voile, et mes deux bras le remplacer.

CÉCILE.

Oui, mon ami. Puissé-je vous sembler belle ! Mais ne m’ôtez pas votre main ; je sens que mon cœur est dans la mienne, et qu’il va au vôtre par là. Pourquoi donc vouliez—vous partir, et faire semblant d’aller à Paris ?

VALENTIN.

Il le fallait ; c’était pour mon oncle. Osais-je, d’ailleurs, prévoir que tu viendrais à ce rendez-vous ? Oh ! que je tremblais en écrivant cette lettre, et que j’ai souffert en t’attendant !

CÉCILE.

Pourquoi ne serais-je pas venue, puisque je sais que vous m’épouserez ?