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çais ; don Carlos à Madrid détruit tous les résultats qu’on s’était vanté de conquérir au profit des monarchies constitutionnelles par le système de paix suivi depuis six ans.

Dans le nouveau cabinet, la direction de la politique étrangère est confiée à M. Molé. Nous ne ferons pas un crime au nouveau président du conseil d’un ouvrage de jeunesse, où il exaltait l’empereur et les merveilles qu’enfantait une volonté souveraine et forte. Le spectacle était assez beau pour arracher des cris d’enthousiasme ; aussi, nous ne reprocherons pas à un des noms de l’ancienne France d’avoir salué dans Napoléon le successeur de Louis XIV, et d’avoir reconnu la légitimité de la gloire. N’oublions pas non plus qu’en 1830, M. Molé prononça le mot de non-intervention dans un sens libéral. C’était dire à l’Europe : La France ne cherchera pas à propager au dehors les sentimens et les principes révolutionnaires ; mais elle ne permettra pas qu’un peuple qui voudra sincèrement réformer ses institutions et conquérir sa liberté, soit troublé dans l’exercice de son droit inaliénable. M. Molé quitta le pouvoir sitôt que le principe de la non-intervention ne fut plus maintenu avec fermeté. Il rentre aujourd’hui aux affaires. Pourquoi ? On a pensé qu’il avait surtout été décidé à l’acceptation de la présidence par la crainte de paraître abdiquer toute importance et toute prétention politique, en se réduisant toujours au rôle de médecin consultant dans les crises ministérielles. Mais enfin, quel qu’ait été le motif, que fera M. Molé du pouvoir qu’il s’est déterminé à reprendre ? Nous ne pouvons croire qu’il accepte une présidence purement nominale, et qu’il se résigne à couvrir de son nom et de son seing les prescriptions de M. Guizot. L’alliance de ces deux personnages ne saurait être durable : M. Molé est toujours, aux yeux de M. Guizot, un bonapartiste entièrement étranger aux vrais principes du gouvernement anglais et doctrinaire. D’un autre côté, le dogmatisme de M. Guizot a toujours pesé à M. Molé. On assure qu’il est dans l’intention de prouver que sa présidence est réelle et non pas nominale, et qu’il est véritablement chef du cabinet. La volonté de M. Guizot n’est pas la seule contre laquelle le président du conseil pourrait avoir à lutter. Il en est une autre plus élevée et plus puissante ; nous verrons s’il aura sur ce point une fermeté difficile sans doute, mais nécessaire.

M. Molé a été appelé au conseil pour faire un point d’arrêt dans les affaires espagnoles à toute participation française. C’est la non-intervention retournée contre l’intérêt qui en avait fait prononcer le mot. Cette abdication subite de toute influence française est un fait contre-révolutionnaire ; elle paralyse tous les effets moraux de la quadruple alliance ; désormais l’Europe semble d’accord pour assister avec une curiosité égoïste aux déchiremens de l’Espagne, à ses douleurs et peut-être à ses excès.