Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 7.djvu/771

Cette page a été validée par deux contributeurs.
767
DE L’ESPAGNE.

nouveau, les noms et les choses, la composition de l’assemblée et le mode électoral. Il avait fallu d’abord lui trouver un titre qui indiquât que ce n’était qu’un simple octroi de la royauté, octroi muable, sujet à retour et à révision. Les anciennes cortès, où les trois ordres s’étaient toujours trouvés réunis, comme dans nos états-généraux, étaient divisées en deux chambres, et l’on avait dû créer aussi le nom de proceres (magnats du royaume), pour baptiser cette chambre des pairs ; innovation malheureuse dans un pays de parfaite égalité, où, sauf la grandesse, qui maudit les chaînes de ses prétendus priviléges, les élémens d’une aristocratie manquent aussi complètement que chez nous.

L’Espagne étant arrivée à la nécessité de réviser son code politique et d’appeler des cortès constituantes, ne valait-il pas mieux que cette révision portât sur la constitution de 1812 que sur le statut royal ? L’expérience a fait également connaître aux Espagnols les défauts de l’une et de l’autre. Ils savent que le statut royal est incomplet, informe, antipathique à leurs mœurs, à leurs habitudes constantes. Ils savent que la constitution se ressent de son origine, qu’elle pèche par un excès de qualités, qu’on y reconnaît trop l’exaltation des sentimens généreux, l’enthousiasme du bien qui a aussi son aveuglement, et qu’elle est presque toujours d’une application embarrassée dans la pratique, peut-être impossible. Mais, en révisant le statut royal, ils auraient eu un point de départ tout étranger, tout nouveau ; en révisant la constitution, ils partiront d’une base tout espagnole, et leur œuvre aura ses racines dans les plus antiques traditions nationales. Voilà le vrai point de la question.

Il reste à cette question deux autres faces que je vais successivement envisager.

Quand la monarchie d’Isabelle et de Christine appelait à son aide quelques-uns des hommes proscrits naguère par Ferdinand VII, elle se trouvait attaquée de deux graves maladies : une minorité et une guerre de succession. M. Martinez de la Rosa et ses premiers collègues voulurent sauver cette monarchie infirme et languissante en la greffant, si l’on peut ainsi dire, de constitutionnalité, en transportant ses racines du parti apostolique au parti libéral. Ils rêvèrent aussi l’alliance du trône et de la liberté. Pour atteindre leur chimère, ils inventèrent d’abord le statut