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lui chantait aujourd’hui. De même, durant sa longue vie, le peintre de Nüremberg ne finissait jamais sa journée sans entrer dans l’église de Saint-Sebald, afin d’y retremper son ame en la musique du Seigneur. — L’art est un divin soleil dont les quatre rayons resplendissent chacun d’une lueur diverse, de sorte que l’esprit ne comprendra jamais leur unité, s’il ne s’élève jusqu’au foyer qui les alimente ; c’est de là seulement qu’il pourra voir dans toute sa splendeur ce type de beauté dont l’ensemble doit toujours demeurer inconnu à la foule, puisque les moyens manquent à l’artiste pour le réaliser. Que Mozart regarde les couleurs de la belle nature, que Raphaël écoute les voix chanter, que ces deux anges glorieux changent de monde, pour s’en revenir emportant sur leurs ailes une poussière lumineuse et sonore ; et vous tous qui les entourez, ne les retenez jamais ; laissez les célestes abeilles voler à leur Éden, et soyez sûrs que le miel qu’elles vous feront au retour sera plus abondant et plus suave.

Ainsi s’écoulait heureuse et pure la vie de Sébastien ; les peines et les soucis ne devaient pas l’atteindre encore, car il habitait un monde au-dessus de la terre, et son esprit, grace à la chaude jeunesse du corps qui l’enveloppait, pouvait se maintenir en son élévation, et comme l’aigle, rester des jours entiers l’aile tendue en face du soleil. La mélodie était la forme plastique dont il revêtait sa chaste pensée ; et les deux choses qu’il aimait le plus au monde, l’art et le culte de Dieu, confondant ainsi pour lui leur double nature, il ne cessait de les adorer l’une dans l’autre. Sérénité divine que nul vent de la terre ne pouvait troubler ! Heureux Jean-Sébastien, qui seul as dominé l’inspiration, et l’as contrainte à demeurer toujours à tes côtés ! Dans ces jours sombres et pluvieux d’automne, où Raphaël, faute de soleil, ne trouvait plus de teinte sur sa palette, où le musicien se tait avec l’oiseau, et demeure triste et dépouillé comme si la mélodie était tombée de son front en même temps que la feuille des arbres ; dans ces jours où tout est pour les hommes de la terre mélancolie et solitude, lui montait à ses orgues. Alors les brouillards commençaient à se dissiper, le soleil à resplendir comme par un beau matin de printemps, la neige à s’évaporer, à se fondre et ne laisser d’elle-même que tout juste ce qu’il fallait pour trembler en perles de rosée au calice des fleurs. Tous les oiseaux chantaient, et sous les feuillages sonores du jardin apparaissait la belle jeune fille que l’hiver avait attristée. Sébastien agissait sur l’inspiration