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dans toutes les opinions, est une sentinelle avancée qui a mission d’avertir plutôt que de contrôler, de prévoir plutôt que de voir, de signaler les tendances et non les faits. C’est l’instrument le plus actif du progrès chez un peuple qui est tourné tout entier vers l’avenir.

La vieille Angleterre, la patrie des traditions, est au contraire suspendue au passé. Là personne ne donne l’impulsion au corps social ; il gravite de lui-même, le principe donné, de conséquence en conséquence, comme de degrés en degrés. Quiconque aurait la prétention de diriger l’opinion, l’irriterait contre lui ; la presse n’en est que l’écho, elle regarde marcher la société et se contente de marquer les distances parcourues. Si elle prenait l’initiative de quelque idée ou de quelque démarche, la nation ne croirait plus posséder le self-government.

Ainsi la presse, placée en France à l’avant-garde de la civilisation, occupe en Angleterre le corps de bataille : là elle n’a pas l’occasion d’acquérir une gloire brillante ni de faire des coups d’éclat ; mais elle est aussi moins exposée, et, dans les jours de malheur, moins délaissée.


L. Faucher.