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LA PRESSE EN ANGLETERRE.

lons élever le caractère de la presse, » avait dit lord Melbourne dans la chambre des lords.

Quelle que soit la valeur de la presse politique dans la Grande-Bretagne, elle occupe en effet un rang inférieur dans la société. Une sorte de défaveur plane sur les écrivains attachés à la rédaction des journaux. La haute société ne leur ouvre pas ses salons, et les oblige, par cette exclusion, à vivre dans l’obscurité. On ne les admet pas même dans les clubs, et le Morning-Herald avouait récemment avec amertume que, parmi les éditeurs des journaux de Londres, un seul en a obtenu l’entrée. Les membres des deux chambres qui s’associent aux intérêts et à la rédaction d’un journal n’oseraient, pour rien au monde, lui donner publiquement ces marques de sympathie. Un homme politique, qui veut jeter une opinion en avant, n’a pas recours directement à la presse ; il convoque un meeting dont on enregistre ensuite les actes et les paroles dans les colonnes des journaux.

La plupart des éditeurs ont le titre de barristers (avocats), ce qui équivaut en Angleterre à un degré de noblesse ; ils se distinguent presque tous par des connaissances étendues : d’où vient donc ce préjugé, qui en fait des parias dans l’ordre politique ? En France, un journaliste, quand il est homme de cœur et de talent, marche l’égal d’un conseiller d’état, d’un pair ou d’un député ; la presse est comme un gymnase où les chefs de parti se préparent au gouvernement, et tel ministre n’a souvent fait qu’un saut du bureau d’un journal au banc des secrétaires d’état. En Angleterre, il n’y a pas d’exemple de ces illustrations ; on ne parvient que par l’aristocratie, par le barreau ou par les positions commerciales. La presse n’est ni un pouvoir ni le marche-pied du pouvoir. Pendant vingt ans, les whigs organisèrent leur parti au moyen de la Revue d’Édimbourg ; mais ils n’auraient jamais songé à se servir d’un journal.

Un journal anglais, qui a recherché les causes de ce discrédit, l’attribue au langage brutal de la presse. « On ne conçoit pas, dit-il, que des hommes qui veulent appartenir à une classe respectable de la société, et qui doivent avoir une éducation libérale, se livrent à ces indignes personnalités. Dans leurs moindres querelles ils se traitent de menteur, de voleur, de mercenaire, de scribe, d’animal, et cherchent à rabaisser mutuellement leur caractère, comme