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l’article fut reproduit dans plusieurs journaux. N’est-ce pas un peuple bien républicain que cette démocratie à laquelle on ne peut parler sans avoir pris ses degrés à Oxford ?

La presse non timbrée n’est qu’une machine de guerre. On s’en est servi avec beaucoup d’habileté pour faire brèche à un impôt monstrueux. Mais, après la réforme des lois sur le timbre et la réduction de la taxe à un penny, les journaux n’ont plus de raison suffisante de s’affranchir du régime légal ; ceux qui tenteraient de continuer la fraude se verraient abandonnés par l’opinion publique qui les a jusqu’ici soutenus. Le droit était pour eux quand ils luttaient contre une loi oppressive ; maintenant la loi est réconciliée avec le droit, et les mœurs la protégeront.

Ajoutez que le dernier bill confère aux officiers du fisc des pouvoirs très étendus. Ils ne sont plus réduits à saisir les feuilles colportées dans les rues, et à retenir les colporteurs en prison. On leur ouvre le domicile, cette forteresse inviolable jusqu’à présent du citoyen anglais. Tout employé du timbre peut, sur la dénonciation du premier venu, et sans mandat judiciaire, pénétrer dans les maisons et saisir les journaux non timbrés partout où il les trouvera. Si une personne affirme sous serment que tel imprimeur a publié telle feuille de contrebande, le juge de paix est tenu de délivrer un mandat avec lequel on va saisir les presses et entamer une procédure. Les amendes sont exorbitantes et s’élèvent, pour la moindre contravention, tantôt à 20, tantôt à 50 livres sterling. Quel capitaliste voudra courir les chances d’une industrie ainsi exposée ?

La concurrence les ruinerait à défaut du fisc, car les éditeurs des journaux timbrés la feront à leur tour avec la puissance d’un intérêt solidement établi. On pourra donner un journal timbré à 6 sous ; et qu’est-ce que la différence de 2 sous par numéro pour des feuilles qui paraissent une fois par semaine, lorsque cette inégalité de prix est compensée par une grande supériorité de rédaction ?

Les hommes d’état qui proposèrent au parlement, dans la dernière session, la réduction des droits de timbre, prévoyaient sans doute les changemens que la presse doit subir par suite de cette réduction. Ils savaient bien qu’ils allaient substituer dans quelque mesure l’influence des opinions à celle des capitaux. « Nous vou-