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LA PRESSE EN ANGLETERRE.

À Londres même, il n’y a pas un seul journal quotidien, dans l’acception rigoureuse du mot. Le dimanche est un jour sacré en Angleterre, où les méditations de la pensée s’arrêtent comme les travaux du corps. Les feuilles hebdomadaires ou du dimanche sont publiées le samedi soir ; les feuilles qui paraissent dans la semaine, feuilles du soir ou du matin, font trêve, pendant la journée du dimanche, à leurs publications. Il en est de même de toute discussion politique ; le parlement n’entre pas en séance le samedi, de crainte que le débat, se prolongeant comme à l’ordinaire, bien avant dans la nuit, n’empiète sur le repos du jour consacré au Seigneur.

Ce doit être pour nous un sujet d’étonnement que ces longs intervalles de la publicité dans un pays où le plus mince boutiquier a l’habitude, sinon le talent de la parole, et peut paraître décemment sur les hustings, où tout le monde et chacun s’occupent des affaires publiques, où les journaux se lisent partout et jusque dans les ateliers de charité (work-houses). En France, les feuilles politiques n’ont pas autant de lecteurs, mais ces lecteurs veulent les lire chaque jour. Il y a peu de journaux dans les départemens qui ne paraissent pas plusieurs fois par semaine, et ils tendent tous à devenir quotidiens. Une revue, pour prétendre à quelque succès, doit se publier chaque semaine ou deux fois par mois. Nous ne savons pas prendre des habitudes à longue échéance ; il nous faut des liens de tous les jours. Les Anglais au contraire divisent le temps aussi bien que le travail. Considérant la vie comme une grande manufacture où chaque ouvrier a sa tâche et n’a qu’une tâche, ils font la part des affaires publiques et la part des affaires privées. Les hommes politiques, ou, ce qui est la même chose en Angleterre, les hommes de loisir, et les banquiers, dont les spéculations peuvent être affectées par le mouvement des opinions, réservent chaque jour une heure à la lecture des journaux. Le marchand et le manufacturier, occupés, du matin au soir, à faire manœuvrer une armée de commis ou d’ouvriers, ne s’inquiètent guère que le jour du repos de savoir comment le monde a marché pendant la semaine. L’ouvrier de même, pure machine six jours durant, n’a que le septième pour réfléchir et pour regarder ce que devient le pays entre les mains de l’aristocratie.

La périodicité des publications politiques s’échelonne suivant