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disons mieux, où le parlement a cessé de l’autoriser, tout citoyen anglais peut avoir des presses, imprimer et publier ce qu’il lui plaît. L’éditeur d’un journal n’a ni autorisation à demander, ni cautionnement à déposer, ni formalités dilatoires à subir. Aux termes de l’acte de 1798, il suffit de faire, devant les commissaires du timbre, et sur papier libre, une déclaration qui énonce les matières que doit traiter le journal, les noms et demeures de l’imprimeur, de l’éditeur, ainsi que des deux propriétaires principaux. Ceux-ci sont également responsables des amendes et passibles de la prison, en cas de condamnation.

À côté de cette indépendance, si étendue et si absolue, les lois anglaises ont placé des pénalités sévères, destinées à en réprimer l’abus. Il n’existe peut-être dans aucun pays et il n’a jamais existé une législation plus menaçante que les lois de libelle en Angleterre ; notre législation de septembre 1835 paraîtrait tolérante à ce prix. Les lois contre le libelle politique prévoient et créent, on peut le dire, une infinité d’offenses à la religion, aux mœurs, à la loi de nature, à la loi des nations, à la constitution, au roi, au gouvernement et aux deux chambres du parlement. Les lois contre le libelle privé punissent, en outre, les offenses aux cours de justice, aux grands du royaume (scandala magnatum), aux magistrats et aux personnes privées. Dans le plus grand nombre des cas, le crime de libelle est assimilé au crime de trahison ; et les précédens dont se compose cette jurisprudence, empruntés généralement aux époques de despotisme, fournissent de telles armes contre la presse, qu’il dépendrait d’un gouvernement mal intentionné de l’écraser, si elle n’avait la garantie du jury, ce palladium du peuple anglais.

Le parlement est encore maître de jeter sur la presse une sorte d’interdit. En vertu de ses priviléges, il peut exclure le public de ses séances, et défendre qu’il en soit rendu compte dans les journaux. Cette prohibition a été renouvelée trois fois pendant le dernier siècle, mais l’usage contraire a prévalu. Le parlement a bien vite compris que son autorité sur l’opinion tenait à la publicité, et à la publicité la plus étendue de ses discussions. Cependant, par un reste de ce préjugé des chambres contre la presse, les rédacteurs de journaux, admis, comme par grâce, au milieu de la foule des spectateurs, se sont vus obligés, pendant long-temps,