Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 7.djvu/670

Cette page a été validée par deux contributeurs.
666
REVUE DES DEUX MONDES.

sœur des myrtes d’Athènes. Ossian et Homère se donnent la main. » « Mon ami, dis-je à Cotonet, je crois que voilà notre affaire ; le romantisme, c’est la poésie allemande ; Mme de Staël est la première qui nous ait fait connaître cette littérature, et de l’apparition de son livre date la rage qui nous a pris. Achetons Goëthe, Schiller et Wieland ; nous sommes sauvés, tout est venu de là. »

Nous crûmes, jusqu’en 1830, que le romantisme était l’imitation des Allemands, et nous y ajoutâmes les Anglais sur le conseil qu’on nous en donna. Il est incontestable, en effet, que ces deux peuples ont, dans leur poésie, un caractère particulier, et qu’ils ne ressemblent ni aux Grecs, ni aux Romains, ni aux Français. Les Espagnols nous embarrassèrent, car ils ont aussi leur cachet, et il était clair que l’école moderne se ressentait d’eux terriblement. Les romantiques, par exemple, ont constamment prôné le Cid de Corneille, qui est une traduction presque littérale d’une fort belle pièce espagnole. À ce propos, nous ne savions pas pourquoi ils n’en prônaient pas aussi bien quelque autre, malgré la beauté de celle-là ; mais, à tout prix, c’était une issue qui nous tirait du labyrinthe. « Mais, disait encore Cotonet, quelle invention peut-il y avoir à naturaliser une imitation ? Les Allemands ont fait des ballades ; nous en faisons, c’est à merveille ; ils aiment les spectres, les gnomes, les goules, les psylles, les vampires, les squelettes, les ogres, les cauchemars, les rats, les aspioles, les vipères, les sorcières, le sabbat, Satan, Puck, les mandragores ; enfin cela leur fait plaisir ; nous les imitons et en disons autant, quoique cela nous régale médiocrement ; mais je l’accorde. D’autre part, dans leurs romans, on se tue, on pleure, on revient, on fait des phrases longues d’une aune, on sort à tout bout de champ du bon sens et de la nature ; nous les copions, il n’y a rien de mieux. Viennent les Anglais par là-dessus qui passent le temps et usent leur cervelle à broyer du noir dans un pot ; toutes leurs poésies, présentes et futures, ont été résumées par Goëthe dans cette simple et aimable phrase : « L’expérience et la douleur s’unissent pour guider l’homme à travers cette vie, et le conduire à la mort. » C’est assez faux, et même assez sot, mais je veux bien encore qu’on s’y plaise. Buvons gaiement, avec l’aide de Dieu et de notre bon tempérament français, du sang de pendu dans la chaudière anglaise. Survient l’Espagne, avec ses Castillans, qui se coupent la gorge comme on boit