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on pourrait savoir au juste d’où viennent bien des inventions nouvelles qui se font donner des brevets. Il n’est pas jusqu’aux saint-simoniens qui ne se trouvent dans Aristophane ; que lui avaient fait ces pauvres gens ? La comédie des Harangueuses est pourtant leur complète satire, comme les Chevaliers, à plus d’un égard, pourraient passer pour celle du gouvernement représentatif.

Nous voilà donc, Cotonet et moi, retombés dans l’incertitude. Le romantisme devait, avant tout, être une découverte, sinon récente, du moins moderne. Ce n’était donc pas plus l’alliance du comique et du tragique que l’infraction permise aux règles d’Aristote. (J’ai oublié de vous dire qu’Aristophane ne tient lui-même aucun compte des unités.) Nous fîmes donc ce raisonnement très simple : « Puisqu’on se bat à Paris dans les théâtres, dans les préfaces, et dans les journaux, il faut que ce soit pour quelque chose ; puisque les auteurs proclament une trouvaille, un art nouveau et une foi nouvelle, il faut que ce quelque chose soit autre chose qu’une chose renouvelée des Grecs ; puisque nous n’avons rien de mieux à faire, nous allons chercher ce que c’est. »

— Mais, me direz-vous, mon cher monsieur, Aristophane est romantique ; voilà tout ce que prouvent vos discours ; la différence des genres n’en subsiste pas moins, et l’art moderne, l’art humanitaire, l’art social, l’art pur, l’art naïf, l’art moyen-âge…

Patience, monsieur ; que Dieu vous garde d’être si vif ! Je ne discute pas, je vous raconte un évènement qui m’est arrivé. D’abord, pour ce qui est du mot humanitaire, je le révère, et quand je l’entends, je ne manque jamais de tirer mon chapeau ; puissent les dieux me le faire comprendre ! mais je me résigne et j’attends. Je ne cherche pas, remarquez bien, à savoir si le romantisme existe ou non ; je suis Français, et je me rends compte de ce qu’on appelle le romantisme en France.

Et, à propos des mots nouveaux, je vous dirai, que durant une autre année, nous tombâmes dans une triste erreur. Las d’examiner et de peser, trouvant toujours des phrases vides et des professions de foi incompréhensibles, nous en vînmes à croire que ce mot de romantisme n’était qu’un mot ; nous le trouvions beau, et il nous semblait que c’était dommage qu’il ne voulût rien dire. Il ressemble à Rome et à Romain, à roman et à romanesque ; peut-être est-ce la même chose que romanesque ; nous fûmes du moins tentés de le