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REVUE — CHRONIQUE.

ministère du 22 février, mais ceux qui l’ont précédé. Tantôt le gouvernement espagnol lui-même avait provoqué sur cette importante matière les délibérations de ses alliés, en réclamant une assistance conforme, sinon à la lettre, au moins à l’esprit de la quadruple alliance. Tantôt le ministère français, à la vue des progrès du parti carliste, s’était porté spontanément à rechercher les moyens de mettre un terme à la guerre civile des provinces du nord de l’Espagne, si préjudiciable à nos intérêts, sous quelque point de vue qu’on l’envisage. Enfin, de manière ou d’autre, on peut dire que depuis la mort de Ferdinand VII, la question n’avait pas cessé un instant d’être sous les yeux du ministère ; et toutes les fois qu’on l’avait positivement agitée, il s’était toujours élevé dans le sein du conseil une voix éloquente, soutenue par une conviction profonde, pour dire que la France se devait à elle-même, non moins qu’à l’Espagne, de rendre impossible une restauration et une contre-révolution à Madrid. Cette voix, c’était celle de M. Thiers.

La France ne s’était pas engagée légèrement à soutenir en Espagne la succession féminine, établie par le testament de Ferdinand VII, et conforme d’ailleurs aux antiques lois de la monarchie espagnole. On n’avait pas fermé les yeux sur les inconvéniens de l’abolition de la loi salique ; mais le gouvernement (M. de Broglie, M. Guizot et M. Thiers faisaient alors partie du ministère, sous la présidence du maréchal Soult) en fut moins frappé que des dangers de toute espèce dont nous menacerait l’avènement de don Carlos au trône d’Espagne. Il n’y a pas eu sur ce point deux opinions dans le ministère. Don Carlos était un drapeau contre-révolutionnaire, bien avant que cette nouvelle guerre de succession se fût ouverte. Son avènement à la couronne aurait rendu impossible cette action de la France sur la Péninsule, qui est dans son rôle naturel, dans les intérêts permanens de sa politique, et qui désormais devait avoir pour base la communauté de principes dans les deux gouvernemens. La révolution de juillet devait faire ce qu’aurait fait le cabinet de Versailles sous l’ancienne monarchie, mais arriver par d’autres moyens au même but, qui était de ne pas laisser échapper l’Espagne à sa légitime influence. Ce système ne rencontra point d’opposition dans le conseil ; on n’hésita point sur le parti à prendre ; la France reconnut immédiatement la jeune reine Isabelle II et l’autorité de la régente ; on promit des secours à tout évènement, et cette résolution fut généralement applaudie.

Ces faits ne peuvent être méconnus ; ils ne le sont pas, et personne ne les a oubliés. Mais ils avaient des conséquences et ils imposaient des devoirs dont le dernier ministère paraissait avoir compris toute l’étendue. M. Thiers, entre autres, n’a jamais perdu de vue les moyens d’exécution par lesquels le système du cabinet dans la question espagnole devait tôt ou tard, selon lui, se traduire en fait. Convaincu de bonne heure que le gouvernement de la reine ne réussirait pas à éteindre la guerre civile par ses propres forces, il a toujours demandé dans le conseil une démonstration vigoureuse contre don Carlos, de quelque nom qu’on voulût l’appeler, intervention ou coopération. Il pensait avec raison que plus la faction carliste ferait de progrès, et plus elle