Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 7.djvu/627

Cette page a été validée par deux contributeurs.
623
REVUE LITTÉRAIRE.

sociales. Cette bouffée d’orgueil s’excusait par une étourdissante fortune. Un peu moins choyé aujourd’hui, le roman renonce peu à peu aux prétentions qui l’ont trop souvent conduit au ridicule ; il tend à redevenir ce qu’il était autrefois, un livre de lecture récréative et facile, un spectacle au coin du feu. Il faut ajouter que la majorité des écrivains affecte la sobriété dans le style, la moralité et quelquefois même l’orthodoxie. Les réclamations contre le dévergondage des esprits ne sont déjà plus des raisons. À ceux qui ne veulent voir que les torts de notre littérature, sans tenir compte du bien qu’elle fait, nous pouvons affirmer que le mal moral, à aucune époque, n’a été moindre qu’aujourd’hui. Il serait facile de multiplier les preuves. Mais sans sortir du cercle de publications que nous avons parcouru, nous citerons comme point de comparaison, un livre qui date d’un demi-siècle, et qu’on vient de réimprimer (Théorie des lois criminelles, par Brissot de Warville, 2 vol.). On lit dans un chapitre sur l’adultère : — « L’adultère n’existe pas dans la loi naturelle. Il est au contraire bien naturel de ne pas borner son goût à un seul fruit, et de cueillir toutes les fleurs qui peuvent flatter l’odorat et charmer l’œil. — » À coup sûr, on ne trouverait pas, dans un seul des écrits du jour, cette phrase anacréontique dont nos pères n’étaient pas choqués dans un grave traité de jurisprudence.


A. C. T.