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Le Midi convertit, en quelque sorte, à sa cause, les chefs barbares qui lui sont imposés par les Francs, et ils deviennent entre ses mains les défenseurs de son indépendance. De là l’hostilité si dramatique des ducs d’Aquitaine contre les rois francs de la première race, et enfin, la nouvelle conquête du midi de la Gaule par Charles Martel et Pépin. L’histoire du second royaume d’Aquitaine, fondé par Charlemagne, vient ajouter l’autorité d’un nouvel exemple aux faits révélés par les récits antérieurs. Louis-le-Débonnaire (avant son élévation à l’empire), Pépin d’Aquitaine, agissent en véritables rois aquitains, et dans un intérêt tout méridional. Nous regrettons d’affaiblir par l’analyse ce grand fait qui apparaît avec éclat dans les pages animées de M. Fauriel. Entre les divers épisodes des guerres du midi contre le nord, nous avons surtout admiré le beau récit de la conspiration de Gondowald. Les populations du midi se déclarent toutes pour l’aventurier, qui, quoique lui-même de race franque, semble leur promettre un chef et un appui contre les Francs.

Si M. Fauriel suit avec une sorte d’angoisse toutes les chances de la lutte, s’il provoque nos sympathies en faveur des vaincus, c’est que selon lui la cause du midi était celle de la civilisation. Il paraît croire que la société française a eu pour berceau, non pas le nord où le bras du conquérant obéissait au génie catholique, mais le sol méridional où les germes de la culture romaine, épars et écrasés un instant sous des ruines, se relevèrent spontanément, du xe au xiiie siècle, après la séparation des provinces méridionales de la monarchie des Francs. M. Fauriel laisse deviner cette préoccupation en promettant, dans la troisième partie qu’il prépare, l’histoire de cette « époque de création ou de rénovation qui succède peu à peu aux derniers bouleversemens, au milieu desquels achève de s’opérer le démembrement de la monarchie carlovingienne. C’est durant cette époque et dans les parties les plus méridionales de la France que se forme pièce à pièce tout un système de civilisation originale, système dans lequel on voit les misérables débris de l’ancienne culture romaine s’empreindre, s’animer inopinément d’un nouvel esprit, se recomposer sous des formes nouvelles ; c’est là et alors que l’on voit s’organiser dans les villes, sur les ruines de la curie romaine, un gouvernement municipal sous les influences duquel ces villes deviennent rapidement de petits états libres. » L’examen de cette théorie ne saurait trouver place dans un simple bulletin. Elle sera l’objet d’une étude approfondie que la Revue doit faire des travaux historiques de M. Fauriel. Il nous suffira d’avoir appelé l’attention sur un ouvrage qui donne une haute idée de la science et du talent de l’auteur. En effet, M. Fauriel joint à toutes les qualités d’un esprit supérieur l’érudition la plus vaste et la plus sûre. Il n’a négligé aucun des moyens qui étaient en