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REVUE LITTÉRAIRE.

de 1830. Si le sinistre se confirme, si l’on ne retrouve pas quelques individus de la famille blottis dans les sous-préfectures, les chambres de justice ou la garde nationale, les éditeurs de M. de Potter devront prendre le deuil.

Histoire ancienne et archéologie. — Un nouveau volume de l’Histoire romaine de Niebuhr vient d’être traduit et publié par M. de Golbéry[1]. Il commence avec le ive siècle, à compter de la fondation de la ville, et conduit jusqu’à l’an 374. Cette époque est signalée par deux grands faits qui constituent définitivement la nationalité romaine. C’est l’établissement de la loi des douze tables, qui substitua le droit écrit et positif aux incertitudes de la coutume et de l’arbitrage : œuvre imparfaite sans doute, que les amendemens et additions nécessaires ne tardèrent pas à transformer, mais qui, jusqu’à la ruine de la république, conserva entre les deux ordres divisés d’intérêts, l’autorité d’un contrat social. Plus tard, c’est la race gauloise qui, après une désastreuse invasion, demeure suspendue aux flancs des Alpes, comme un torrent toujours prêt à se répandre. Les petits états de l’Italie, jusqu’alors jaloux de leur indépendance, se familiarisent par crainte avec l’idée d’une fusion. La seule puissance qui ait montré de la vigueur lors de la première attaque, Rome, se fait un titre de ses ruines comme un chef de ses blessures. Un mouvement de concentration s’opère en sa faveur. Les populations qui se laissent absorber par elle assurent sa prépondérance et lui permettent d’écraser les cités rivales qui résistaient encore. Rome devient ainsi la forteresse de l’Italie. Elle dominera le pays, mais à condition de le protéger, et son régime intérieur, conformé à cette tâche, ne sera qu’une consigne militaire qui va la conduire à des conquêtes immenses, à un éclat menteur, à des misères très réelles. L’époque comprise entre ces deux termes est purement historique. Elle n’offre plus matière aux interprétations hardies, aux décisions conjecturales, qui, dans les premiers livres de Niebuhr, consacrés aux origines, ont offusqué tout ce qui restait de dévots à l’antiquité. La savante critique de l’auteur allemand s’exerce cette fois sur la législation et les expériences politiques si fréquemment renouvelées chez les Romains. Cette partie de son travail est une véritable création. Il est vrai qu’il possédait sur ses devanciers un avantage immense. Depuis un demi-siècle, toutes les combinaisons sociales ont été discutées, et toutes les formes de gouvernement reproduites. Le spectacle des révolutions a dû fournir aux historiens de notre temps une science pratique plus utile pour la parfaite intelligence des textes, que l’exubérante érudition des anciens philologues. Ainsi, dans Niebuhr, une loi romaine se trouve en

  1. Chez Levraut, libraire, rue de la Harpe, 81.