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térés. » — Ainsi que nous l’avons dit, l’auteur prouve sa thèse par une méthode sûre et lumineuse ; avec lui, on n’a pas à craindre les illusions qui ont jeté tant de ridicules sur plusieurs étymologistes. Sa comparaison embrasse la substance et l’accident, les mots et leur emploi dans le langage. Après avoir mis en regard les particules pronominales ou indéclinables, il classe les noms substantifs en huit séries, qui comprennent le monde et les élémens, les corps organisés, la technique des arts et métiers, les qualifications et les termes métaphysiques d’un usage habituel. Ainsi se trouve formée une liste de cinq cents mots environ, qui, exprimant les principaux actes de la vie sociale, représentent suffisamment chaque langue. Le mot indien forme un primitif qu’on reconnaît facilement dans plusieurs idiomes européens, et quelquefois dans tous. Suivent cinq cent cinquante verbes monosyllabiques, qui, dans le sanscrit, ont la qualité de radicaux, et qui reparaissent assez fidèlement dans les langues dérivées. Enfin, le parallèle fait fonctionner simultanément le mécanisme grammatical de chaque langue ; et, eu égard à l’éloignement des temps et des lieux, on s’étonne de ne pas trouver plus de dissemblance dans le procédé d’agrégation pour les mots composés, dans la génération des désinences, dans les modifications des noms et des verbes. Par exemple, on s’explique facilement certaines anomalies des verbes grecs, quand on remonte à la conjugaison indienne.

On sait que les historiens se sont emparés des découvertes de la philologie pour expliquer les origines européennes. Ils font manœuvrer les peuples dans des ténèbres si épaisses, que, pour contrôler leurs récits, il faudrait lutter d’audace avec eux. Leur vue pénétrante suit d’abord les Ibériens, qui quittent la région des langues sémitiques ou chaldéennes, longent le littoral de l’Afrique, pour s’établir dans la péninsule qui rappelle leur nom, et de là dans les parties de la Gaule et de l’Italie que baigne la Méditerranée. Mais ils sont pressés de toutes parts par les migrations successives des peuples de race indienne, et dont les langues, d’origine sanscrite, ont donné lieu au parallèle qui nous occupe. Ce sont d’abord les familles thrace et pélasgique venant, l’une par le Taurus, et l’autre par la Thessalie. Une seconde famille quitte le berceau asiatique, franchit le Caucase, et entre en Europe par le nord. Ce sont les Celtes ou Gaëls qui tendent vers le midi, et font dans la Gaule une halte commandée par la résistance des Ibériens. Plus tard, d’autres rameaux détachés de la souche indienne suivent la même voie pour former le faisceau germanique. Enfin, les nations slaves, toujours de même origine, viennent s’échelonner auprès des autres ; mais elles sont obligées de céder une partie du sol européen qui leur reste à des tribus de sang tartare, qui donnent naissance aux Hongrois et aux Finnois.