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trouvé dans la langue des Hébreux un certain nombre de syllabes qu’il considère comme le germe de toutes les autres langues. « J’ai tout réduit, dit-il, à des analogies de sons que j’ai formulées en équations et en analogies d’idées, de manière à ramener tout le matériel des langues à vingt ou trente racines primitives. » Le travail de M. Delatouche n’est peut-être pas sans valeur comme procédé de mnémotechnie ; il peut servir à classer dans la mémoire des élèves le matériel des langues ; mais, présenté comme système étymologique, il ne soutiendrait pas même la discussion. Il n’est plus permis d’affirmer des étymologies sur de simples rapports de consonnances. L’histoire, qui, aujourd’hui, s’appuie avec tant de succès sur la philologie, lui demande une méthode rationnelle, précise. Elle ne se contente plus, pour prouver la parenté des peuples, du rapprochement d’un certain nombre de mots sans liaison naturelle entre eux. Elle forme, au contraire, des familles d’idées, des séries de termes, pour constater, dans l’expression, les similitudes et les variantes : elle met en regard le mécanisme de chaque idiome. C’est la stricte observation de ces règles qui donne un grand prix au Parallèle des langues de l’Europe et de l’Inde[1], laborieusement établi par M. Eichhoff. La conformité radicale du sanscrit avec les idiomes européens avait déjà été signalée par plusieurs philologues ; mais on devra à M. Eichhoff une démonstration claire et méthodique de ce fait intéressant. Il commence par distribuer les langues de l’Europe en quatre groupes principaux, 1o  langues romanes, parlées par les Phrygiens, les Grecs, les Étrusques et les Latins, et dont les débris entrent, pour la plus grande part, dans la formation de l’italien, du français, de l’espagnol, du portugais et du valaque ; 2o  langues celtiques, dont il ne reste aujourd’hui que deux dialectes : le gaélique, en Écosse et en Irlande, et le cymrique, dans le pays de Galles et la Bretagne française ; 3o  langues germaniques, comprenant les idiomes tudesque, saxon, anglais, normannique et gothique ; 4o  langues slavonnes, qui sont le russe, le polonais et le lithuanien. À l’exception de trois dialectes, le basque, le hongrois et le finnois, toutes les langues européennes sont embrassées par cette énumération. — « Considérées quant à leur substance même, dit M. Eichhoff, et indépendamment de la phraséologie, elles sont originairement identiques, c’est-à-dire composées des mêmes racines primitives, que l’influence du climat, la prononciation nationale, les combinaisons logiques, ont nuancées de diverses manières, tantôt en remplaçant un son par un autre son homogène, tantôt en étendant une idée du sens propre au sens figuré, ou en la graduant par une dérivation continue, sans que les élémens du langage en soient essentiellement al-

  1. Grand volume in-4o. De l’imprimerie royale. Chez l’auteur, place du Louvre, 6. Prix : 30 fr.