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firme cependant que, dans tout le système hiéroglyphique, on n’a pas distingué jusqu’ici plus de neuf cents types.

Mais sur les monumens et dans les manuscrits égyptiens, on voit un grand nombre de signes dont la forme ne parle pas à l’esprit. Les érudits, supposant que ces signes fonctionnaient comme les lettres de nos alphabets modernes, ont long-temps cherché le secret de leurs combinaisons. Selon l’auteur de la Grammaire égyptienne, ils ne sont qu’une abréviation du hiéroglyphe pur, et constituent un second ordre de caractères d’une exécution facile et rapide, appropriés ainsi aux usages de la vie civile ou religieuse. Ces caractères hiératiques ou démotiques, selon leur emploi, reproduisent seulement le trait principal de l’objet qui est leur primitif, et quelquefois ils s’en éloignent tant, qu’on pourrait les considérer comme des signes arbitraires. Champollion en convient lui-même, et, en vérité, on ne sait en vertu de quel principe on a pu les rattacher à un type plutôt qu’à l’autre.

Tous ces hiéroglyphes, soit parfaits, soit réduits, jouent dans l’écriture égyptienne un triple rôle. Ils sont figuratifs, lorsqu’ils éveillent l’idée par l’image même de l’objet. Dans ce cas, un lion dessiné devrait se traduire par lion. Les hiéroglyphes sont symboliques pour l’expression des idées abstraites ou des choses dont la forme matérielle n’est pas précise, comme le feu, le ciel. Le lion pourrait alors désigner la force, le courage. Les mêmes caractères sont encore phonétiques, c’est-à-dire qu’ils procèdent comme notre alphabet à la peinture des sons, au lieu de peindre l’idée. Chaque image vaut phonétiquement la première lettre de son appellation vulgaire : le lion, en cet exemple, se trouverait réduit à la fonction alphabétique du L. L’articulation S pourrait être représentée par un enfant, un œuf, une oie, une étoile, etc., objets dont le nom en langue copte commence par un S. De la sorte, un même mot peut se reproduire sous vingt aspects différens. Champollion va au-devant des objections que soulève cette conjecture[1], en disant que le nombre des signes employés phonétiquement était fixé et consacré par l’usage, et qu’il ne dépendait pas du caprice d’un scribe ou d’un copiste d’en introduire de nouveaux dans les textes. Cependant ce nombre était encore considérable. On trouve dans la Grammaire égyptienne un tableau des hiéroglyphes phonétiques et des signes qu’on en considère comme l’abrégé. Il ne comprend pas moins de sept à huit cents caractères pour repré-

  1. Cette conjecture paraîtra moins bizarre si on se rappelle que notre alphabet n’a pas d’autre origine. Les Hébreux ou plutôt les Phéniciens, de qui nous tenons nos lettres, disaient alef, beit, guimel, dalet (A. B. C. D.), mots qui signifient bœuf, maison, chameau, porte ; et, selon l’opinion très probable des érudits, ces lettres n’étaient d’abord qu’une image grossière des objets dont elles prenaient le nom.