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ta récompense d’immenses richesses dans sa demeure. Elle dit, et en le congédiant elle lui remit une boîte qui contenait un poison mortel. En trempant ses flèches dans ce poison, il ne pouvait manquer de donner la mort à son ennemi. Mélicerte alors se hâte de regagner le rivage où il raconte à ses compagnons les prodiges dont il a été témoin, et l’accueil qu’il a reçu.
Ses compagnons sont émerveillés de son récit, et se hâtent de réparer le navire. Pendant plusieurs jours ils font route vers l’ouest, et abordent enfin en terre ferme. Ils débarquent alors, et aperçoivent dans l’intérieur du pays de Tartessus une citadelle, qui, d’après la description de Léiathana, ne peut être que la demeure de Masisabas. Celui-ci, qui avait vu de loin le vaisseau s’approcher des côtes, n’attendit pas que les étrangers l’attaquassent, et accourut vers le rivage pour engager le combat. Il était d’une taille démesurée, et dépassait Mélicerte de toute la tête ; ses armes brillantes, sa force prodigieuse, tout semblait rendre la victoire douteuse pour le héros phénicien. Un accident inattendu rendit encore la position de Mélicerte plus difficile ; car au moment où il marchait à la rencontre de son ennemi, son arc, trop fortement tendu, se brisa, et, par là, il se vit dans l’impossibilité de faire usage du poison que Léiathana lui avait donné. La tradition sans doute a ajouté cet épisode pour montrer comment un héros, par sa propre force, peut sans le plus léger secours mener à bout toutes les entreprises.
Dans cette extrémité, Mélicerte saisit un javelot et le lance à son ennemi avec tant de vigueur qu’il le perce de part en part et le cloue même à un arbre voisin. La victoire de Mélicerte est assurée, il s’approche de Masisabas et lui coupe la tête.
Vient ensuite l’énumération des trésors que le vainqueur trouva dans la citadelle conquise, et qui consistaient en beaucoup d’or et des monceaux prodigieux d’argent[1]. Au bruit de ce glorieux exploit, les habitans des contrées voisines accoururent pour rendre hommage au héros, et lui témoignèrent leur reconnaissance. Ils lui apportèrent aussi en présent une quantité énorme de métaux précieux. Mélicerte apprit d’eux que, près de là, se terminait la mer et se trouvait un détroit qui conduisait dans l’Océan. À cette nouvelle, il remonte aussitôt sur son navire, et suivant la direction indiquée, il parvint le jour même au détroit. Mais, comme il était déjà tard, il résolut de ne descendre à terre que le lendemain. Les habitans des côtes, en apercevant suspendue à la proue du navire la tête de Masisabas qu’ils avaient jusqu’alors regardé comme invincible, chan-
  1. Les richesses de l’Espagne en métaux précieux étaient célèbres dans l’antiquité. Justin (xliv, 1, 6), en parlant de ce pays, fait aussi mention de ses abtrusorum metallorum felices divitias. W.