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ciens, et les routes que suivait leur immense commerce, tant sur terre que sur mer. Mais que de fois il regrette, dans son livre, de n’avoir pas sous les yeux les histoires de Dius et de Ménandre d’Éphèse, dont Josèphe nous a conservé quelques fragmens, et surtout l’histoire de la Phénicie par Sanchuniathon, dont Eusèbe, dans sa Préparation évangélique, a cité de longs fragmens, qui, malheureusement, ne contiennent que la partie cosmogonique de l’ouvrage ! Aussi a-t-il dû apprendre avec une joie bien vive, mais sans doute mêlée de quelque incertitude, la nouvelle annoncée il y a environ six mois par les journaux, que la traduction grecque de Sanchuniathon, par Philon de Byblos, avait été retrouvée dans un couvent de Portugal. Sa joie et son incertitude, tous les amis de l’antiquité les ont partagées ; mais le découragement a bientôt succédé à l’espérance quand on a vu que cette annonce n’était suivie d’aucun autre document, soit sur l’état et le contenu du manuscrit, soit sur son futur éditeur.

Ce silence affligeant vient enfin d’être rompu par la publication d’une brochure annoncée comme l’avant-coureur du texte grec de Philon, et ayant pour titre : Analyse de l’histoire primitive des Phéniciens par Sanchuniathon, faite sur le manuscrit nouvellement retrouvé de la traduction complète de Philon ; avec des observations de Fr. Wagenfeld. Cette brochure qui a paru chez Hahn, à Hanovre, contient en outre un fac-simile du manuscrit et un avant-propos de M. le docteur G.-F. Grotefend, directeur du lycée de Hanovre, connu depuis longtemps dans le monde savant par les importans travaux auxquels il s’est livré sur les inscriptions de Persépolis et sur celles de la Lycie.

Que doit-on penser de cette publication ? Faut-il la regarder comme une mystification ou comme un document sérieux ? Le nom de Grotefend, si l’on n’en a pas abusé, comme on a abusé cet hiver du nom d’Herschell, ne permet guère de voir dans cette brochure l’œuvre d’un faussaire ? L’Allemagne n’est pas la terre classique de ces sortes de supercheries dont l’Italie a donné de si funestes exemples. La bonne foi, disons plus, la candeur germanique n’admet guère un pareil soupçon. Le fac-simile du manuscrit, joint à la brochure, est d’une écriture fort ancienne, qui annonce la main non d’un Grec, mais d’un homme de l’Occident ; or un faussaire n’eût pas choisi de préférence un caractère de ce genre, qui