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REVUE. — CHRONIQUE.

Il est fâcheux pour la famille doctrinaire que les évènemens qui se passent dans la Péninsule aient détourné sur eux l’attention générale. La harangue de M. Guizot aux cent soixante-neuf électeurs de Lisieux n’a pas produit tout l’effet que s’en promettaient les amis du rédacteur en chef de la Paix. Cependant il vaut la peine d’étudier cette pièce d’éloquence dirigée contre le ministère du 22 février, et destinée à porter l’épouvante dans ses rangs. D’abord M. Guizot remercie les cent soixante-neuf électeurs de Lisieux de leur persévérance politique ; cet éloge lui sert de transition pour célébrer le système du juste-milieu qui est à la fois, suivons bien ceci, la politique du 13 mars, la politique de Casimir Périer, la politique du 11 octobre, la politique de M. Guizot, la politique des amis de M. Guizot, la politique royale, la politique nationale. M. Guizot n’a jamais été plus prolixe et moins clair qu’au banquet de Lisieux. Cependant à travers tous les paralogismes et les adulations de l’ancien ministre de l’instruction publique perce cette pensée qu’on ne saurait trop méditer : Le roi Louis-Philippe remplit aujourd’hui la même mission politique qu’Henri IV au commencement du xviie siècle ; il est possible qu’il succombe tragiquement dans sa glorieuse entreprise. (On peut se rappeler qu’il y a quinze jours, un journal qui reçoit volontiers les inspirations de M. Guizot, semblait vouloir préparer la France à la possibilité d’une catastrophe, et travaillait d’avance à l’en consoler.) Mais après Henri IV vint Richelieu ; or, la France est assez heureuse pour avoir l’équivalent de ce grand ministre, comme elle a sur le trône l’image du grand roi qui est tombé sous le fer d’un assassin. Le nouveau Richelieu, vous l’avez deviné, n’est autre que M. Guizot, qui se juge destiné, sous un nouveau règne, à enchaîner les factions et à réprimer la démocratie, comme Armand du Plessis abaissa la noblesse. Ainsi l’histoire est décrétée d’avance, et nous n’avons plus qu’à nous soumettre aux prévisions du député du Calvados. Il nous semble qu’ici M. Guizot, qui a si souvent reproché à ses adversaires le plagiat politique, ne s’en gêne guère, et nous le surprenons à se contrefaire un avenir d’après un passé qui nous semble peu convenir à sa taille.


Le voyage inattendu du roi de Naples à Paris a d’autant plus occupé l’attention, qu’elle avait moins de sujets sur lesquels se porter à l’intérieur. On a suivi avec intérêt le jeune prince, avide de s’instruire, dans ses visites à nos principaux établissemens publics. On rapporte qu’en s’approchant de l’arc-de-triomphe de l’Étoile et de la colonne de la place Vendôme, il s’est découvert et a salué profondément. Ce n’était pas là, de sa part, simple courtoisie. Ses antécédens marquent bien qu’il y a chez lui une vive et véritable sympathie pour la gloire de nos armes et tout ce qui s’y est associé en Italie. Au rebours du système qu’avaient adopté son père et son aïeul, depuis son avènement, c’est aux hommes imbus des idées progressives ou élevés à l’école de nos guerres qu’il a confié les postes principaux de l’administration et de l’armée. Lorsqu’il est monté sur le trône, Rocca-Romana vivait dans l’exil, sévèrement puni