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LA NUIT D’AOÛT.

L’amour l’aura brisé ; les passions funestes
L’auront rendu de pierre au contact des méchans ;
Tu n’en sentiras plus que d’effroyables restes,
Qui remueront encor, comme ceux des serpens.
Ô ciel ! qui t’aidera ? que ferai-je moi-même,
Quand celui qui peut tout défendra que je t’aime,
Et quand mes ailes d’or, frémissant malgré moi,
M’emporteront à lui pour me sauver de toi ?
Pauvre enfant ! nos amours n’étaient pas menacées,
Quand dans les bois d’Auteuil, perdu dans tes pensées,
Sous les verts marronniers et les peupliers blancs,
Je t’agaçais le soir en détours nonchalans ;
Ah ! j’étais jeune alors et Nymphe, et les Dryades
Entr’ouvraient pour me voir l’écorce des bouleaux,
Et les pleurs qui coulaient durant nos promenades,
Tombaient, purs comme l’or, dans le crystal des eaux ;
Qu’as-tu fait, mon amant, des jours de ta jeunesse ?
Qui m’a cueilli mon fruit sur mon arbre enchanté ?
Hélas ! ta joue en fleurs plaisait à la Déesse
Qui porte dans ses mains la force et la santé.
De tes yeux insensés les larmes l’ont pâlie ;
Ainsi que ta beauté tu perdras ta vertu.
Et moi qui t’aimerai comme une unique amie,
Quand les Dieux irrités m’ôteront ton génie,
Si je tombe des cieux, que me répondras-tu ?

LE POÈTE.

Puisque l’oiseau des bois voltige et chante encore
Sur la branche où ses œufs sont brisés dans le nid ;
Puisque la fleur des champs, entr’ouverte à l’aurore,
Voyant sur la pelouse une autre fleur éclore,
S’incline sans murmure et tombe avec la nuit ;

Puisqu’au fond des forêts, sous les toits de verdure.
On entend le bois mort craquer dans le sentier,
Et puisqu’en traversant l’immortelle nature,