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REVUE DES DEUX MONDES.

Toujours d’affreux combats et de sanglantes armes ;
Le cœur a beau mentir, la blessure est au fond.
Hélas ! par tout pays, toujours la même vie :
Convoiter, regretter, prendre, et tendre la main,
Toujours mêmes acteurs et même comédie,
Et quoi qu’ait inventé l’humaine hypocrisie.
Rien de vrai là-dessous que le squelette humain.
Hélas ! mon bien-aimé, vous n’êtes plus poète.
Rien ne réveille plus votre lyre muette ;
Vous vous noyez le cœur dans un rêve inconstant ;
Et vous ne savez pas que l’amour de la femme
Change et dissipe en pleurs les trésors de votre ame,
Et que Dieu compte plus les larmes que le sang.

LE POÈTE.

Quand j’ai traversé la vallée.
Un oiseau chantait sur son nid.
Ses petits, sa chère couvée,
Venaient de mourir dans la nuit.
Cependant il chantait l’Aurore ;
Ô ma Muse, ne pleurez pas !
À qui perd tout, Dieu reste encore,
Dieu là-haut, l’espoir ici-bas.

LA MUSE.

Et que trouveras-tu, le jour où la misère
Te ramènera seul au paternel foyer ?
Quand tes tremblantes mains essuieront la poussière
De ce pauvre réduit que tu crois oublier —
De quel front viendras-tu, dans ta propre demeure,
Chercher un peu de calme et l’hospitalité ?
Une voix sera là, pour crier à toute heure :
Qu’as-tu fait de ta vie et de ta liberté ?
Crois-tu donc qu’on oublie autant qu’on le souhaite ?
Crois-tu qu’en te cherchant tu te retrouveras ?
De ton cœur ou de toi lequel est le poète ?
C’est ton cœur, et ton cœur ne te répondra pas.