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tre qu’à cette époque on rattachait encore le bardisme à la science augurale des vates et des druides[1].

S’il s’est conservé quelque part en Gaule des bardes, et des bardes en possession des traditions druidiques, ce n’a pu être que dans l’Armorique, dans cette province soumise imparfaitement par les Romains, qui, après la conquête barbare, a formé pendant plusieurs siècles un état indépendant, et qui, malgré sa réunion à la France, est restée celtique et gauloise de physionomie, de costume et de langue, jusqu’à nos jours.

On peut donc admettre comme possible l’existence d’un barde armoricain du ve ou vie siècle, nommé Guinklan, dont on a cru, l’année dernière, avoir retrouvé les chants.

Il n’y a rien d’invraisemblable à ce que ses poésies se soient conservées dans l’abbaye de Landvenec, comme se sont conservées, dans le pays de Galles, celles de Taliessin, de Llywarch, de Merlin, et d’autres bardes gallois contemporains. Espérons que le manuscrit de Guinklan, s’il existe, sera livré à la publicité par un patriotisme breton bien entendu, et que notre Bretagne aura aussi son barde.

Mais en attendant ce barde légitime, la critique doit se prononcer sur l’hypothèse qui fait procéder les jongleurs et les trouvères des bardes, et qui fait naître une grande portion de la poésie chevaleresque (tout ce qui concerne le roi Arthur et la table ronde) des lais bretons, œuvre prétendue des bardes armoricains.

D’abord, il faut faire la part de ce qui, dans ces influences, si elles existaient, appartiendrait aux bardes du pays de Galles et à ceux de notre Bretagne.

En raison de la communauté de langue et de race qui unit nos Bretons de l’Armorique et leurs voisins du pays de Galles et de Cornouailles, par suite des émigrations nombreuses et des relations fréquentes que cette communauté a produites, il est advenu que les traditions de la Cambrie ont passé dans l’Armorique, s’y sont localisées, pour ainsi dire, au point que nos Bretons, s’abusant eux-mêmes par l’identité de leur nom et de celui des anciens habitans de l’Angleterre, ont fini par se persuader que Merlin et Arthur étaient leurs compatriotes, ont cru posséder le tombeau du

  1. Bardus pater aut avus augur. Apotheosis, contra unionistas, v. 119.