Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 7.djvu/445

Cette page a été validée par deux contributeurs.
441
LES BARDES.

qu’à la fin du dernier siècle ; l’institution des bardes était encore parfaitement organisée parmi les tribus de montagnards qui prirent part à l’expédition du prétendant, et le barde était encore à cette époque un personnage social ayant un rang marqué, un revenu fixe en terres, seul genre d’appointemens que puisse donner une société peu avancée, à défaut d’un privilége sur le butin, tel que celui qu’accordait au barde la loi galloise. Les chefs des clans écossais s’entouraient encore de leurs bardes, à l’époque dont je parle, comme le pouvaient faire les chefs gaulois aux époques les plus reculées[1]. Mais le rôle même que les montagnards écossais jouèrent dans cette guerre, amena la désorganisation de l’antique existence du clan, et en même temps la destruction de l’institution des bardes qui en était une portion essentielle. Ainsi, au moment où le nom du barde calédonien devenait populaire, où la poésie calédonienne, en dépit et peut-être à cause des altérations qu’elle avait subies, devenait un objet d’admiration et d’engouement, la source de cette poésie tarissait pour jamais, et les derniers bardes mouraient de misère et d’abandon dans quelques vallées ignorées de l’Écosse.

Nous arrivons à la Gaule : que sont devenus ses bardes ?

La Gaule fut primitivement le principal séjour des anciens bardes, et c’est dans la Gaule que leur institution a eu le moins de durée, a laissé le moins de traces. Nous recueillerons avec un soin d’autant plus minutieux toutes celles que nous pourrons découvrir.

L’existence des bardes était liée à celle des druides. Or, les druides se firent tolérer par les empereurs en associant les divinités gauloises aux divinités romaines, en faisant un amalgame souvent bizarre de la mythologie nationale et de la mythologie des conquérans. Grâce à ce compromis volontaire, à cette confusion prudente, les druides évitèrent la persécution, et jouirent même de quelques honneurs ? On voit, dans Ausone[2], qu’au ive siècle appartenir à une famille de druides était considéré comme la preuve d’une descendance illustre.

Un vers de Prudence, dans lequel il oppose barde à augure, mon-

  1. Voyez la vive peinture de la cour sauvage du Celte jacobite Fergus Mac-Ivor dans Waverley.
  2. Professores, iv et x.