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existaient. Une enquête solennelle ayant été instituée, on a constaté l’existence, non, il est vrai, d’un seul des poèmes donnés par Macpherson, mais de la poésie ossianique qu’il n’avait pu inventer. On fabrique un ou plusieurs poèmes au moyen de fragmens qu’on arrange ou dénature, on ne fait pas une poésie de toutes pièces ; on en peut combiner et modifier les élémens, on n’en saurait créer la substance.

Il faut même ajouter qu’on a retrouvé dans les montagnes d’Écosse quelques parties des poèmes publiés par Macpherson sous le nom d’Ossian, entre autres, la fameuse invocation au soleil dans Carthon, un des passages dont on se croyait le plus autorisé à nier l’authenticité à cause de certains détails qui rappellent Milton ; ce qui prouve qu’il y a souvent autant d’imprudence à rejeter trop vite qu’à admettre trop légèrement.

Si Macpherson n’a pu créer le fonds de la poésie ossianique, les mœurs dont cette poésie offre le tableau n’ont pas été inventées par lui ; ces mœurs ont existé au moins dans la tradition, et cette tradition doit reposer sur quelque chose.

Il est vrai qu’un des caractères de la poésie ossianique, c’est un singulier vague en tout ce qui tient à l’existence extérieure des héros. Ce caractère, par lequel cette poésie se distingue de toutes les poésies primitives en général si précises, si arrêtées, peignant d’une manière si saillante les habitudes, la physionomie, le genre de vie des populations, au sein desquelles elles se produisent, ce caractère, particulier aux poésies d’Ossian, et dont il n’est pas facile de rendre raison, s’oppose, ainsi que le degré d’altération où elles nous sont parvenues, à ce que nous puissions nous faire, par elles, une idée nette de l’existence des bardes calédoniens, bien que les bardes y interviennent souvent.

Cependant nous avons lieu de croire fidèles le peu des traits qu’elles nous présentent ; car ils sont assez conformes à ceux que nous ont fournis d’autres documens plus authentiques et plus précis.

Chez Ossian, il n’y a pas de prêtres, parce qu’il n’y a pas de Dieu. S’il est resté quelque chose des druides, ce sont ces pierres du pouvoir auxquelles s’attache une vague terreur ; du reste, il n’y a d’autre religion que la religion des morts. Au-dessus de la