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LES BARDES.

portent précisément sur la décadence du bardisme, sur la misère à laquelle les bardes sont réduits au milieu de la misère générale du pays.

« À nos bardes nationaux sont interdits leurs divertissemens, leurs réunions accoutumées. Les bardes des deux cents régions se lamentent de n’avoir plus d’appui. Christ ! mon Sauveur ! puissé-je descendre dans la tombe maintenant que le nom de barde est un vain nom, un nom mort. »

Tous les bardes ne périrent pas par la barbarie d’Édouard, et quand, aux premières années du XVe siècle, un chef gallois, Owen Glendover souleva une dernière fois le pays de Galles contre l’Angleterre ; quand les Gallois purent une dernière fois rêver le triomphe et l’indépendance de leur pays, l’insurgé national eut pour lui les bardes, et aussitôt les chants de Merlin, les poésies prophétiques, annonçant que le jour de la Bretagne était enfin arrivé, commencèrent à pleuvoir de tous côtés. Owen Glendover fut vaincu ; sa défaite fut le dernier coup porté à cette poésie des bardes, dont la destinée fut à toutes les époques si intimement liée au destin de la patrie galloise. Henri IV interdit leurs assemblées, qu’ils purent reprendre sous Henri V. Ces assemblées remontaient à la plus haute antiquité. Elles se tenaient en plein air, auprès d’un monument druidique, et cette circonstance porte à en rattacher l’origine aux anciennes réunions des druides. L’usage s’en est continué dans le pays de Galles jusqu’à Élisabeth. Depuis lors, on a fait quelques tentatives, véritables anachronismes, mais anachronismes touchans, pour ressusciter cette ancienne coutume. La dernière de ces tentatives est de 1796. En 1796, on annonça qu’une assemblée de bardes aurait lieu à Clamorgan, dans le pays de Galles. L’autorité en prit ombrage ; on craignait qu’il n’y eût là-dessous des menées démocratiques. On était en guerre avec la France, le nom de Bonaparte fut pour quelque chose dans l’effroi des shériffs du pays. On empêcha cette assemblée ; ainsi, par un jeu étrange de la fortune, le fantôme du vieux bardisme gallois disparut devant l’ombre de Napoléon.

Je me suis arrêté un peu long-temps à l’histoire des bardes dans le pays de Galles, parce que les origines du bardisme en ce pays, se rattachent d’une manière frappante aux origines du bar-