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LES BARDES.

barde de la chaise aura chanté, le barde domestique chantera un troisième chant, différent des deux premiers. Quand la reine voudra entendre un chant, le barde domestique sera tenu de lui en chanter un à son choix, mais à voix basse, à l’oreille, pour que la cour n’en soit pas troublée. » On avait pris de prudentes précautions contre l’incommodité d’un chant trop prolongé ou trop bruyant.

Quant aux appointemens du barde royal, les voici :

« Quand le barde royal ira piller avec les serviteurs du roi, s’il chante devant eux, il aura le meilleur taureau du butin, et au jour du combat, il chantera devant eux la monarchie bretonne ; » — c’est, de siècle en siècle, le sujet perpétuel des chants du barde ; — « le roi lui donnera un damier d’ivoire, et la reine un anneau d’or ; » d’après une autre version, « une harpe ; et il ne la cédera ni gratis, ni pour de l’argent à personne.

« Il conduira chez le roi un homme qui fera injure à un autre, et tout homme qui aura besoin d’appui. » Belles fonctions du barde, qui tiennent à son affinité primitive avec le druide arbitre des différends, et se rattachent à ce caractère pacifique et pacificateur, qui interdisait la guerre à ceux dont la mission était le chant.

« Si le barde demande quelque chose du roi, qu’il chante un chant ; si d’un homme noble, qu’il chante trois chants ; si d’un plébéien, qu’il chante jusqu’à la nuit. »

Singulière disposition ! la loi veut-elle faire entendre par là que le barde n’est pas seulement l’homme du prince, que le poète appartient à tout le peuple ?

Ce qui détermine, avec le plus de précision, l’importance personnelle du barde, c’est la valeur de l’amende que l’on paie pour le mal qu’on lui fait.

« Une injure faite au barde domestique est évaluée six vaches et cent vingt deniers ; son meurtre est estimé cent vingt-six vaches. » C’est fort cher, d’après le tarif de la loi galloise. C’est le prix de quelques personnages assez importans, et aussi, il faut l’avouer, de quelques-uns qui ne le sont guère. C’est le prix du préfet de la vénerie, du juge domestique, du préfet de l’écurie, de celui qui prépare l’hydromel, du médecin, de l’échanson… enfin du cuisinier de la reine.

Les lois germaniques contenaient des dispositions analogues. La loi des Ripuaires dit : « Que celui qui blesse la main du harpeur