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le païen sera mis en fuite ; et je le sais certainement, le succès nous attend, quelle que soit la chance du combat. Que le Cambrien se précipite comme l’ours des montagnes pour venger le meurtre de ses ancêtres, que tous serrent en faisceau les pointes de leurs lances, que chacun oublie de protéger le corps de son ami, qu’ils multiplient les crânes vides de cervelles des nobles Germains, qu’ils multiplient les femmes veuves et les coursiers sans cavaliers, qu’ils multiplient les corbeaux avides devant les pas des guerriers vaillans[1]. »

Au xe siècle, le roi Hoel-le-Bon voulut réorganiser l’ancienne existence cambrienne. Dans ce but, il forma des coutumes du pays un corps de législation que nous possédons encore ; les bardes tiennent une place assez considérable dans cette législation. On peut tirer des chapitres qui les concernent quelques traits naïfs et piquans[2]. D’abord la loi interdit au barde de s’occuper d’autre chose que de son art. Est-ce par respect pour cet art, ou par tout autre motif ? Les bardes font là, comme chez les Gaulois, partie de la petite cour des chefs, ils y occupent un rang distingué. Il y a quatorze personnes qui ont le droit de s’asseoir à la table du chef, et parmi elles sont deux bardes, le barde domestique, dont la situation est assez semblable, mais cependant supérieure à celle des bardes parasites attachés aux chefs gaulois, et le barde de la chaise, le barde à qui appartient le droit de la chaise ; sorte de barde lauréat, chef des bardes, comme il y eut depuis le roi des ménestrels. La condition de barde domestique n’est point mauvaise dans la législation d’Hoel. « Il possédera une terre libre, le roi lui donnera un vêtement de laine, et la reine un vêtement de lin. Aux trois fêtes principales, il sera assis auprès du préfet du palais, qui lui présentera la harpe (étiquette honorable pour le barde domestique). Quand des chants seront demandés, le barde à qui appartient le droit de la chaise chantera d’abord les louanges de Dieu, puis celles du roi dans le palais duquel il se trouvera, et si ce roi n’est pas là pour être célébré, les louanges d’un autre roi : » droit de priorité, assez naturel, que le roi prélevait sur la louange de son barde. « Après que le

  1. Cambrian Register, 1796, p. 562.
  2. Leges Walliæ ecclesiasticæ et civiles Hoelii boni, Londres, 1730, pag. 35.