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On sait que les Gallois, reste des anciens Bretons d’Angleterre, les Irlandais, les montagnards d’Écosse, ou Gaëls, sont de race et de langue celtiques, comme l’étaient les anciens Gaulois. Ces trois peuples ont eu des bardes jusqu’à une époque récente. Nous examinerons ce qu’ont été ces bardes.

Enfin nous chercherons si l’institution et la poésie des bardes ont laissé quelque empreinte sur notre littérature ou quelque vestige dans notre pays.

Bien que les anciens nous apprennent peu de chose sur la poésie des bardes, ils nous en disent assez pour nous révéler trois genres distincts dans cette poésie :

La poésie sacerdotale ;

La poésie guerrière ;

La poésie satirique.

Les bardes étaient avec les druides dans un rapport trop étroit pour rester étrangers à la poésie mythique, par laquelle ceux-ci transmettaient leurs enseignemens. Strabon indique ce rapport des bardes avec les druides, en ces termes : « les trois classes les plus honorées de la nation gauloise, sont les bardes, les druides et les devins. » En plaçant ainsi les bardes auprès des druides, Strabon montre assez que là, comme partout ailleurs, la poésie à son origine a été associée à la religion.

Remarquons aussi le rapport des bardes aux devins ou prophètes ; le caractère prophétique est un caractère essentiel de la poésie des bardes sur lequel nous reviendrons.

Outre les bardes classés par Strabon avec les druides et les devins, il y avait chez les Gaulois des bardes guerriers ; outre cette poésie sacerdotale, il y avait une poésie belliqueuse. C’est ce qu’attestent Elien, Ammien Marcellin, Festus et cette belle apostrophe de Lucain : « Ô vous qui envoyez à l’immortalité les noms et les ames de ceux qui sont morts vaillamment, bardes, vous avez fait entendre des chants nombreux. »

Le mot nombreux (plurima) prouve qu’à la connaissance de Lucain, cette portion martiale de la poésie des bardes était considérable.

Lucain est loin de traiter les chants des bardes avec ce mépris dont les Romains étaient prodigues pour tout ce qui venait des peuples barbares. Le Celtibère Lucain paraît avoir eu une certaine