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DANTE, PÉTRARQUE ET BOCCACE.

M. Rossetti croit avoir accumulé les preuves ; nous n’en avons pas trouvé une seule qui pût soutenir l’examen d’une saine critique. Car en quoi consistent ces prétendues preuves ? ce sont des passages torturés pour en tirer un sens caché que personne n’y a jamais soupçonné. Avec cette manière d’interpréter, on pourra faire dire à un auteur, ou plutôt lui faire indiquer par énigmes, tout ce que l’on voudra.

Les associations ont été fréquentes dans le moyen-âge, parce qu’on cherchait des garanties particulières au milieu de l’anarchie et des violences du pouvoir qui troublaient alternativement l’ordre social. Mais ces associations étaient généralement publiques. Ce siècle fier, franc, simple et énergique à l’excès, dédaignait la dissimulation et ne savait pas s’y prêter.

Les deux fameuses factions politiques qui divisaient alors toute l’Italie, et souvent les citoyens d’une même république, ne sauraient être rangées dans la classe des associations publiques. Une association suppose toujours des engagemens formels, des statuts, un régime intérieur, chargé de diriger les délibérations, de préparer et d’employer les moyens d’action. Rien de tout cela n’existait chez les Guelfes et les Gibelins. Le nom de l’empereur et du pape était le cri de ralliement pour des hommes qui ne s’étaient ligués que d’une façon temporaire ; et sous des drapeaux qui portaient d’une part l’aigle de l’empire, de l’autre, les clés de Saint-Pierre, chacun combattait pour sa propre indépendance ou sa propre ambition.

L’association antipapale que M. Rossetti suppose, n’avait donc rien de commun avec les Gibelins, puisque, selon lui, elle était dirigée contre l’autorité spirituelle du souverain pontife, et qu’il identifie ces sectaires avec les Albigeois ou Vaudois. Ceux-ci, dès le xiie siècle, ont, en effet, trouvé en Italie quelques adhérens qui furent appelés Patarins. En 1233, ils furent persécutés et livrés au supplice dans plusieurs villes de la Lombardie. Plus tard il n’en est plus question. Cette tentative était donc antérieure à l’époque de la littérature italienne qui ne commence que vers la fin du xiiie siècle. Les Vaudois du Piémont seuls ont pu passer inaperçus dans leur retraite montueuse, et conserver la simplicité de l’église primitive jusqu’à nos jours, malgré les nouvelles persécutions qu’ils essuyèrent en 1480 et encore en 1655. Leurs colons, en-