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Fabert, depuis Fabert jusqu’à Diderot, que de peine et de patience dépensée. Mes amis, vous réclamez des droits et du pouvoir ; êtes-vous bien sûrs de les mériter ? Si demain la puissance tombait entre vos mains, qu’en feriez-vous ? Déplorables combats que ceux où la victoire serait inutile !

Les classes ouvrières ne peuvent parvenir à des droits et à la vie politique que par une éducation persévérante. Où sont leurs hommes ? où sont leurs représentans ? Elles les attendent encore : le jour où sortiront de leur sein des chefs et des guides qu’elles suivront avec foi, et dont le talent justifiera la popularité, le jour où elles auront leur O’Connell patient et audacieux, habile, ardent, sachant se servir des lois pour les réformer et les changer, ce jour aura vu s’accomplir un progrès dont il faudra féliciter non-seulement un intérêt particulier, mais la société tout entière.

Quand un pays prétend à la liberté, il doit en avoir le courage et les mœurs ; et rien n’est plus nécessaire que la franchise des positions et des partis. Si en Angleterre le parti radical veut tenter une réforme et un nouveau progrès, il sait quels hommes seront ses soutiens et ses promoteurs ; il sait aussi jusqu’à quelle limite il peut compter sur les secours des whigs, qui à leur tour ont les représentans de leur politique. On s’accepte et on s’allie tout en se distinguant les uns des autres. Nous avons eu en France, depuis six ans, des intrigues et des factions, mais pas de partis : soit inconstance et vanité, soit indépendance d’esprit et d’humeur, aucune opinion n’a pu s’élever à un parti vraiment solide et puissant, homogène ; jusqu’à présent le plus grand effort de l’esprit politique n’est accouché que d’une coterie.

Et cependant que de pensées et de sentimens sincères attendent dans notre pays une véritable expression politique ! Les principes radicaux qui doivent émanciper progressivement les classes ouvrières ne sont ni clairement établis, ni populairement représentés. Où est l’Évangile du radicalisme ? où sont ses tribuns constitutionnels ?

D’un autre côté, où sont les théories et les représentans d’une bourgeoisie intelligente qui aime la liberté, non-seulement pour elle, mais pour ses frères moins avancés dans la vie civile et les droits sociaux ? Il faudrait voir à côté de la démocratie