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DIPLOMATES EUROPÉENS.

M. de La Ferronays fut également dévoué à l’alliance russe ; et ce n’était pas seulement de la reconnaissance pour des services rendus à la restauration : c’était la conviction que l’alliance russe, qui ne pouvait en aucune manière blesser nos intérêts, devait au contraire, dans un certain nombre de circonstances, agrandir notre influence diplomatique et nos circonscriptions territoriales. La collection des dépêches du comte Nesselrode pendant cet intervalle, les notes diplomatiques qui sont aux affaires étrangères, constatent suffisamment la bienveillance du cabinet de Saint-Pétersbourg, et les efforts tentés pour obtenir le concours de la France.

Une des causes, entre autres, de cette intimité si recherchée était la rivalité, formidable déjà, qui éclatait entre l’Angleterre et la Russie. Les alliances de 1815 avaient bouleversé toutes les vieilles idées diplomatiques ; les querelles particulières s’étaient effacées devant le but commun, qui était la destruction du pouvoir de Napoléon. Mais une des fautes de l’Angleterre dans cette circonstance fut surtout d’agrandir démesurément l’influence de la Russie, de créer, pour ainsi dire, sa toute-puissance d’avenir. C’est avec les subsides et l’argent de l’Angleterre, en 1813 et en 1814, que le cabinet de Saint-Pétersbourg a acquis les moyens de peser à tout jamais sur les intérêts anglais. Le comte de Nesselrode, qui avait pris part au plus grand nombre des transactions de 1815, dut également se séparer des traditions de l’école de 1812 ; et c’est de l’habileté que ces changemens sans brusquerie. Le comte de Nesselrode est l’homme des transitions ; il ne s’est jamais posé inflexible dans un système ou dans une idée, et s’est fait le traducteur des temps et des intérêts ; ceci explique comment le chancelier d’état de l’empereur Nicolas eut quelquefois des idées si diamétralement opposées au chancelier d’état de l’empereur Alexandre.

On peut dire que, jusqu’à la révolution de 1830, la politique russe est tout orientale ; elle fut dominée en quelque sorte par la question turque. L’ancienne théorie de la sainte-alliance est abandonnée pour un intérêt moins sentimental ; par une singulière fatalité, on cessait d’avoir peur des révolutions, et la plus complète des révolutions arrivait. 1830 vint tout à coup faire naître des émotions nouvelles ; le principe populaire faisait irruption avec violence, il se présentait avec la même énergie que le pouvoir militaire de l’empereur Napoléon, contre lequel l’Europe s’était autrefois